
La libération de Julien Coupat, soupçonné d'être le leader d'un groupe accusé d'avoir saboté des lignes de la SNCF en 2008, donne lieu à de vifs échanges entre l'opposition et la majorité, pour qui "la procédure a été respectée".
La libération, jeudi, à Paris, de Julien Coupat a provoqué un tollé dans l’opposition, qui dénonce un dossier "vide" et un "fiasco judiciaire". Suspecté d'être le leader d'un groupe accusé d'avoir saboté plusieurs lignes SNCF en France l'an dernier, le jeune homme de 34 ans était en détention provisoire depuis six mois et demi.
Le quotidien Libération reprend cette critique et titre à la Une : "Enquête sur un fiasco". "Comme toujours, le doute doit profiter au prévenu, écrit Laurent Joffrin, le directeur de la rédaction, dans son éditorial. Dès lors, avec sa tardive libération, l’incrimination de terrorisme qu’on lui a fait endosser apparaît pour ce qu’elle est : une exagération quasi-paranoïaque liée à un climat d’état d’urgence entretenu par un gouvernement friand de boucs émissaires".
Démenti à droite
Le Premier ministre François Fillon a fermement démenti ces allégations. Interviewé ce vendredi sur la radio Europe 1, il a affirmé que "la procédure a été respectée". "La justice estime désormais que l'enquête a suffisamment avancé pour qu'il puisse être libéré, a t-il ajouté. Il y aura un procès, on saura à ce moment-là la vérité."
La veille, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, le parti au pouvoir, était monté au créneau. "Instrumentaliser ce qui n'est qu'une étape de l'instruction pour faire croire à l'innocence de Coupat est totalement irresponsable, d'autant que cela n'est fait qu'à des fins électoralistes", avait-t-il déclaré.
Pointée du doigt par certains, et notamment par le député socialiste Arnaud Montebourg qui réclame son départ du gouvernement, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a estimé que la remise en liberté de Julien Coupat s’inscrivait dans une "procédure normale". Elle a rappelé sur la chaîne de télévision Canal+ que Julien Coupat demeurait "sous contrôle judiciaire strict" et que "cela signifie quelque chose".
Mamère : "Une justice d’exception"
Pour l'ex-juge d'instruction Eva Joly, candidate de la liste de gauche Europe-Écologie aux élections européennes du 7 juin, cette libération signifie, au contraire, "que les charges ne doivent pas être très lourdes". André Vallini, député socialiste et ancien président de la commission Outreau, pressent pour sa part que "la justice, et le pouvoir qui a tenté de l'instrumentaliser, s'acheminent ensemble vers un fiasco politico-judiciaire".
Pointant une "manipulation" et une "justice d'exception", Noël Mamère (Les Verts) a indiqué qu'il allait demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire. À ses yeux, l'affaire révèle "le vrai visage du sarkozysme".
Le Parti socialiste demande, quant à lui, des éclaircissements. "Il faudra bien que le gouvernement s'explique sur les raisons d'un tel acharnement à faire de l'antiterrorisme le prétexte à toutes les dérives, jusqu'à ranger les opinions d'un individu au rang de délit", écrit Pouria Amirashi, secrétaire national aux droits de l'Homme. Et de s’interroger : "Julien Coupat est-il coupable ou le gouvernement a-t-il fait preuve de légèreté, voire de manipulation ? "