
Qualifié de "dernier dictateur d'Europe", Alexandre Loukachenko est à la tête de la Biélorussie depuis 21 ans. À l'aube d'un nouveau mandat, qui ne devrait pas lui échapper, il est parvenu, grâce à la crise en Ukraine, à se rapprocher de l'UE.
Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, est assuré de remporter un cinquième mandat lors de l'élection présidentielle de dimanche 11 octobre en Biélorussie.
Le chef d’État bélarusse de 61 ans à la large stature jouit d’une grande popularité auprès d'une bonne partie de ses concitoyens qui apprécient la préservation d'un certain héritage soviétique et une relative protection sociale dans ce pays de 9,5 millions d'habitants. Et ce, malgré des crises économiques à répétition et une virulente répression de l'opposition menée dans cette ex-république soviétique indépendante depuis 1991.
"Le dernier dictateur d'Europe"
Péremptoire et autoritaire, Alexandre Loukachenko est en effet connu pour ses dérives autoritaires. Ses opposants accusent son régime de museler les médias et de réprimer l'activisme politique. Sa dernière réélection à la tête du pays, en décembre 2010 avec près de 80 % des suffrages, avait d’ailleurs été marquée par une violente répression de l'opposition, qui avait dénoncé des fraudes. Une grande manifestation postélectorale s'était soldée par des centaines d'interpellations et plusieurs ex-candidats à la présidentielle ont été condamnés à des peines de prison ferme.
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À la fin des années 1990, plusieurs leaders d'opposition avaient par ailleurs disparu, victimes présumées d'escadrons de la mort, mais l'implication du président Loukachenko n'a jamais été prouvée.
Critiquant cette main de fer du pouvoir, l'Union européenne a imposé par vagues successives depuis 2004 des sanctions contre Alexandre Loukachenko et son entourage. Les États-Unis, sous l'ancien président George W. Bush, lui ont même donné le titre de "dernier dictateur d'Europe".
Un dirigeant à nouveau fréquentable ?
En dépit de cette réputation de dirigeant peu fréquentable, Alexandre Loukachenko, surnommé le "petit père du Bélarus", a récemment su tirer profit de la crise ukrainienne pour redorer son blason sur la scène internationale. Il s’est en effet placé comme médiateur entre la Russie et les Européens à la faveur des vives tensions qui les opposent.
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En septembre 2014 puis février 2015, ce dirigeant charismatique s'est affiché au centre du jeu diplomatique international en accueillant dans son palais présidentiel de Minsk des pourparlers de paix pour l'est de l'Ukraine, en présence des dirigeants ukrainien, russe, français et allemand.
Quelques mois avant sa réélection annoncée pour un cinquième mandat présidentiel, il a également multiplié les gestes de bonne volonté envers l'UE en libérant de prison tous les détenus politiques, dont ses opposants, qui sont néanmoins privés de course à la présidentielle.
Ces gestes apparents d'ouverture ont convaincu les Européens de faire un pas en direction de l'autoritaire Loukachenko : les 28 s'apprêtent à suspendre les sanctions le visant.
Toutefois, à la veille de sa réélection, certains mettent en garde les Européens contre ce personnage politique. Le président bélarusse reste un "homme soviétique qui ne changera jamais", a estimé l’écrivain biélorusse prix Nobel de littérature, Svetlana Alexievitch, qui a ajouté que la politique de Loukachenko s’apparentait à une "dictature douce".
Il "n'a jamais essayé de s'améliorer car il pense qu'il est le meilleur", a pour sa part déclaré à l'AFP le poète et opposant Vladimir Nekliaev, qui avait affronté le président lors de la présidentielle de 2010. Sa personnalité "a mis un frein au développement de tout le pays".
Avec AFP