
La France affiche des performances médiocres en matière de recyclage des déchets plastiques. France 24 a interrogé des spécialistes du secteur : quelles en sont les raisons et que faire pour que cela change ?
C’est une étude qui fait de la France une mauvaise élève en matière de recyclage du plastique. Selon le bilan publié en mars par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l’Hexagone se positionne "comme l’un des pays européens les moins performants", avec un taux moyen de recyclage des déchets plastiques de 20 % environ. Seuls cinq pays sur 28 font moins bien que l'Hexagone : la Finlande, la Bulgarie, la Grèce, Chypre et Malte, indique Plasticseurope, le regroupement des industriels du plastique européen.
"Seulement un cinquième des 3,3 millions de tonnes de déchets plastiques de post-consommation en France est envoyé en centre de recyclage, le reste étant valorisé énergétiquement" (41,7 % en 2011), c'est-à-dire incinéré pour produire par exemple du chauffage urbain, "ou enfoui stocké (39,1 % en 2011)", précise le rapport de l'Ademe.
"Ce classement est à relativiser", nuance Jean-Charles Caudron, chef du service responsabilité élargie des producteurs et recyclage de l’Ademe, joint par France 24 : "Il est basé sur les données fournies par chaque pays, or il n’existe pas de standards européens précis. Les États déclarent donc ce qu’ils veulent et certains affichent des taux de recyclage très élevés mais loin de la réalité".
Reste que le recyclage du plastique demeure insuffisant. En France, on estime par exemple que sur 10 bouteilles d’eau consommées, seules six sont recyclées. Pour quelles raisons ?
Claude Solarz, vice-président du groupe Paprec, l’un des principaux acteurs français du recyclage, du traitement et de la valorisation des déchets en France, avance - entre autres - une explication économique. Si le plastique se recycle peu, c’est aussi parce qu’il devient moins rentable de vendre ce matériau une fois celui-ci traité. La chute du prix des matières premières rend en effet moins compétitifs le recyclage et la récupération par rapport aux produits neufs.
"Le cours du pétrole [qui entre dans la composition du plastique] baissant, le prix du plastique neuf a chuté de 30 à 40 % ces dernières années", avance-t-il. Résultat : pas toujours facile de vendre aux industriels le matériau recyclé, quand le neuf est à portée de bourse.
Le tri sélectif, "pas encore ancré dans les mentalités"
Autre élement d’explication : à l’autre bout de la chaîne, du côté des consommateurs, le tri sélectif laisse encore à désirer. "Il n’est pas encore ancré dans les mentalités, ce n’est toujours pas un réflexe pour eux, c’est pourquoi il faut continuer à communiquer sur la question", estime Jean-Charles Caudron.
À leur décharge, il faut dire que contrairement au verre, le tri du plastique est compliqué : à l’exception des habitants de quelques villes-tests, le consommateur n’est censé jeter dans la poubelle du plastique que les bouteilles et les flacons avec bouchon : bouteilles d'eau, flacons, tubes de dentifrice, etc. Inutile de jeter pots de yaourts et autres papiers films dans le fameux bac à cet effet. Pour aider les consommateurs à faire le tri, l’Ademe a d'ailleurs lancé le site quefairedemesdechets.fr.
Les raisons de ce casse-tête sont à chercher du côté de la composition de ce matériau. Le plastique n’est pas un matériau uniforme, il en existe des dizaines de sortes différentes, qu’il convient de séparer avant traitement, car il existe autant de technologies pour procéder à leur recyclage. Au fil des ans, les centres de tri et de traitement sont devenus plus performants. "Mais il faut davantage d’investissements de ce côté-là", estime Claude Solarz.
Patience, le tri sera bientôt plus aisé. Éco-Emballages, l'éco-organisme qui fait travailler ensemble collectivités locales et industriels du déchet, a annoncé un progrès important la semaine dernière : un quart des Français, soit plus de 15 millions de personnes, pourront trier tous leurs emballages plastiques, y compris pots de yaourt et sacs, mais il faudra attendre fin 2016. Et tout ce qui n'est pas emballages, comme les vaisselles jetables, resteront exclues de la mesure.
Des centres de tri "plus gros, mieux équipés, plus modernes"
"À terme, le but est de doubler le taux. On vise 45 à 50 % de taux de recyclage des emballages plastiques. De 250 000 tonnes, on devrait passer à 500 000 tonnes d'ici à 2022," a indiqué Carlos De Los llanos, directeur du recyclage chez Éco-Emballages, à l’AFP. Il compte pour cela sur une réduction du nombre de centres de tri de 240 à une centaine, mais "plus gros, mieux équipés, plus modernes, pour pouvoir être plus efficaces".
La loi de transition énergétique, définitivement adoptée cet été, prévoit quant à elle l'interdiction des sacs plastiques à usage unique à partir de 2016, mais également celle de la vaisselle jetable en plastique à partir de 2020. Voilà qui devrait faire baisser la production de déchets plastiques.
Autre piste : agir en amont, au moment de la fabrication. "Il faut contraindre les industriels à penser à la fin de vie de leurs produits au moment de leur conception, afin qu’ils conçoivent des objets plus faciles à recycler", avance Claude Solarz, vice-président du groupe de recyclage Paprec. L’exemple du secteur automobile est intéressant : "Il y a 20 ans, les tableaux de bord étaient constitués de nombreux plastiques différents ; aujourd’hui, il y a une baisse drastique des variétés de plastique de cet élément, ce qui les rend plus faciles à valoriser par la suite, explique Jean-Charles Caudron.
De son côté, Claude Solarz recommande d’agir sur la fiscalité des déchets, par exemple en augmentant fortement la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), afin de contraindre les industriels à se prêter davantage au jeu.