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Swissleaks : les pays pauvres, premières victimes de l’évasion fiscale

Les véritables victimes dans le scandale Swissleaks sont les pays pauvres et en voie de développement d’après une étude du collectif “Financial Transparency Coalition”. Et la situation risque encore d’empirer malgré de nouvelles mesures.

Le scandale Swissleaks, qui a révélé les fonds cachés dans la filiale suisse de la banque HSBC, a déclenché un ouragan médiatique en février 2015. Ces informations ont aussi donné lieu à des comparaisons entre le coût de l’évasion fiscale en France, en Allemagne ou dans d’autres nations riches. Mais qu’en est-il des pays pauvres et en voie de développement ? Ils ont été les grands oubliés des premières révélations, d’après une étude publiée mercredi 30 septembre par le collectif “Financial Transparency Coalition”.

Les économies de la Tunisie, du Zimbabwe ou encore des Territoires palestiniens en pâtissent pourtant bien davantage que celles de nations dites "plus avancées", d’après les documents issus des Swissleaks et analysés par les experts de “Financial Transparency Coalition”. Ils ont comparé les montants cachés dans les coffres de la seule filiale suisse de HSBC au PIB des pays d’où vient l’argent. Les résultats sont accablants : l’élite du Liberia y a placé l’équivalent de 15 % de la richesse nationale par exemple. Cette part s’élève à 2,2 % du PIB pour le Zimbabwe, 1,3 % pour les Territoires palestiniens ou 1,29 % pour l’Égypte et 1,2 % pour la Tunisie. Cette proportion descend bien en dessous de 1 % pour l’Allemagne (0,12 %) et la France (0,45 %).

Une seule banque dans un seul pays

"En valeur absolue, les sommes en jeu dans les cas allemand ou français sont plus impressionnantes, mais ramenées au PIB, on constate que l’effet est bien plus dévastateur pour les pays pauvres”, résume John Christensen, directeur de l’ONG Tax Justice Network, qui fait partie du collectif à l’origine de ce rapport. Cette évasion fiscale entraîne des pertes qui appauvrissent plus fortement ces États où le moindre million peut faire la différence.

"Et encore, il n’est question dans cette étude que d’une seule filiale, d’une seule banque dans un seul pays", tient à souligner cet expert de l’évasion fiscale. La Suisse reste certes la destination favorite des amateurs d’évasion fiscale d’après l’indice de Tax Justice Network, mais des places financières comme Singapour ou Hong-Kong "gagnent rapidement en popularité", souligne John Christensen.

Pour les auteurs de l’étude, ces résultats démontrent qu’il est urgent de remettre les pays pauvres et en voie de développement sur le devant de la scène de la lutte contre l’évasion fiscale. Surtout que l’un des développements majeurs actuels dans ce domaine, la mise en place d’un système d’échange automatique d’informations fiscales entre pays, risque de ne pas leur profiter du tout. "C’est une bonne chose pour les États riches, mais beaucoup moins pour les autres", regrette John Christensen.

Lutte contre les paradis fiscaux à deux vitesses

Ce principe, qui oblige des territoires fiscalement cléments comme la Suisse à fournir automatiquement aux autres pays les données sur leurs ressortissants ouvrant des comptes chez eux, est un grand pas dans la lutte contre l’évasion fiscale… dans la plupart des cas. "Sauf qu’il y a une exception à cette règle qui risque de mettre en place un système de lutte contre l’évasion fiscale à deux vitesses", note le directeur de Tax Justice Network.

Le pays qui demande des informations à un paradis fiscal doit pouvoir, en échange, en fournir aussi. Cette réciprocité "logique dans son principe, joue en défaveur des États pauvres qui n’ont pas les moyens, ou dont ce n’est pas la priorité, de développer les infrastructures nécessaires à la mise à disposition automatisée de ce genre d’informations", explique John Christensen. La Suisse peut ainsi refuser de transmettre à la Sierra Leone des informations fiscales car le pays ne peut pas en faire de même… "même si tout le monde sait qu’il n’y a pas de ressortissants fiscaux suisses en Sierra Leone", notent les auteurs du rapport.

Cette règle de l’échange automatique d’informations, poussée par l’OCDE et vantée par des pays comme la France ou l’Allemagne, risque “d’inciter les paradis fiscaux à se tourner encore davantage vers l’élite des pays pauvres ou en voie de développement pour compenser d’éventuelles pertes de clients dans les pays riches”, craint John Christensen. Il affirme que ce mouvement a déjà commencé et que le cas HSBC en Suisse illustré par le scandale Swissleaks n’est que la partie émergée de l’iceberg.