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Axelle Lemaire soumet aux internautes son projet de loi sur le numérique

Le projet de loi pour une république numérique est devenu, samedi, le premier texte législatif français à pouvoir être modifié et enrichi par les internautes. Les contributions se bousculent à l’e-portillon.

Ce n’est que le début, mais il y a déjà des dizaines, voire des centaines de votes par articles et autant de propositions de nouveaux amendements. Le Projet de loi pour une République numérique est le premier texte législatif en France à avoir été soumis à la sagacité des internautes. Depuis samedi 26 septembre, ils peuvent enrichir et débattre des trois titres, sept chapitres, 18 sections et 30 articles de ce document porté par la secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire.

Ils ont trois semaines pour soumettre des modifications - uniquement à titre consultatif - aux mesures proposées par le gouvernement sur la protection des données personnelles, la neutralité du Net ou encore l’accès aux données publiques. Le texte original pose quelques principes, comme le droit au déréférencement pour les mineurs, la mise en place d’une mort numérique (pour récupérer les données d’un proche décédé) ou encore le droit de décider de la communication de ses informations personnelles à tel ou tel site.

E-testament ou Wikipedia à l’école ?

Les internautes s’en donnent à cœur joie pour pousser le bouchon législatif toujours plus loin. L’un d’entre eux défend l’idée d’un véritable e-testament qui pourrait être certifié par un notaire, tandis qu’un autre veut instituer un service public de l’identité numérique, pour éviter que des géants américains (Google, Facebook, Apple) aient un monopole sur cette question grâce aux identifiants.

Il y a aussi ceux qui veulent qu’à l’heure post-Snowden, cette loi soit l’occasion d’instituer un statut du lanceur d’alerte, qui serait protégé et récompensé pour ses révélations. Si la plupart des amendements proposés recueillent un avis favorable, certaines idées sont jugées trop farfelues. Ainsi la proposition d’utiliser Wikipedia comme support pédagogique est majoritairement rejetée, tout comme l’idée d’obliger les pouvoirs publics à utiliser, selon le territoire visé par un site, la “langue patrimoniale adéquate”. Les internautes ne veulent, ainsi, pas que le site d’Arles soit rédigé en prouvencau ou celui de Mittelschaeffolsheim en alsacien.

Le gouvernement peut aussi mesurer la popularité de chacun des articles à l’aune de ce grand test de démocratie participative. Les articles fédérateurs comme ceux posant le principe de la neutralité du Net (pas de discrimination dans l’accès au réseau) ou de la liberté d’utiliser ses données personnelles recueillent, sans surprise, plus de 90 % d’avis favorables.

Non au paiement par SMS

Ces premières contributions dévoilent aussi un intérêt, peut-être plus étonnant, des internautes pour la libre circulation des publications scientifiques. La promesse de mettre en ligne une carte précise de la couverture du territoire par tous les opérateurs téléphoniques est, en outre, l’article qui a reçu le plus d’avis favorables (96 %). L’engouement pour ces sujets plus techniques vient probablement du fait que les premiers à participer à cette foire aux contributions sont aussi les plus engagés sur les questions du numérique.

Axelle Lemaire devrait, en revanche, s’inquiéter de son article qui vise à permettre le “paiement par SMS”, jugé trop peu sécurisé. Plus de 74 % des internautes n’en veulent pas. La possibilité, défendue à l’article 7, pour l’INSEE d’avoir un accès direct aux banques de données de certaines entreprises privées pour ses études ne remporte pas non plus un franc succès. Les internautes ne veulent pas qu’une autorité publique soit ainsi autorisée à piocher directement dans des fichiers numériques d’entreprise.

Au terme de cette consultation, Axelle Lemaire à promis de répondre aux contributions les plus populaires dans un effort de lutter contre “la défiance croissante des citoyens à l'égard de la politique”. Reste que l’exercice est dangereux : une petite réponse et puis s’en va de la part de la ministre risque de laisser les internautes sur leur faim, tandis qu’il semble difficile de transformer en articles de loi toutes les propositions les plus populaires.