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Réchauffement climatique : l'ours polaire est-il réellement en danger ?

En l'absence d'un recensement planétaire, les avis divergent sur l'état de santé de l'ours polaire, devenu symbole du réchauffement climatique. Objet de publicité virale malgré lui, est-il vraiment victime du réchauffement climatique ?

L’ours polaire est devenu, au fil des unes de magazines qu'il occupe, le symbole des dangers du réchauffement climatique. L’animal charismatique fait l’objet d’un colloque organisé par l’Unesco vendredi 25 septembre en lien avec la COP 21. À cette occasion, le réalisateur de documentaires animaliers Rémy Marion, consultant pour l'association Pôles Actions, association de protection de l'environnement, dénonce l’utilisation excessive des clichés de l’ours blanc devenu la mascotte de la cause écologique.

"Tirer la sonnette d’alarme, c’est bien, mais il ne faut pas le faire à contretemps, ni raconter des âneries", dénonce le documentariste interrogé par France 24. Il s’insurge notamment contre l’effet viral des clichés d’ours polaires mal en point, postés sur les réseaux sociaux.

L’ours squelettique partagé plus de 53 000 fois

Cet été, la photographe allemande Kerstin Langenberger partageait sur sa page Facebook le cliché d’un ours blanc famélique, pris au large des côtes de l’archipel norvégien du Svalbard. Partagée plus de 53 000 fois, la photo n’en finit par de faire chauffer les réseaux sociaux. Dans ses commentaires, la photographe allemande fait le lien entre l’état squelettique de l’animal et la fonte des glaces, suggérant que cet ours risquait de mourir de faim car il avait du mal à se nourrir. "La réduction de la banquise change les habitudes de l'ours blanc qui a besoin de casser la glace pour chasser les phoques", explique Christine Sourd, coordinatrice de WWF France. Mais l'interprétation de la photographe a été jugée hative par plusieurs spécialistes de l'animal, dont Ian Stirling, qui s’est exprimé sur Mashable à ce propos. D’après ce professeur de biologie à l’Université de l’Alberta au Canada, il se pourrait que cet ours soit affamé, malade ou blessé.

L’initiative de Kerstin Langenberger n’est pas isolée. Sur Instagram en septembre, c’est un autre photographe qui exposait le cadavre d’un ours blanc gisant sur un bloc de glace. Il fait le lien à son tour sur la faim comme cause du décès de l’animal. La multiplication des clichés de l’ours blanc est issue de la hausse spectaculaire de fréquentation de l’Arctique. De plus en plus de photographes, mais aussi des touristes en croisière se rendent dans les sites en vue comme le Spitzberg, principale île de l’archipel du Svalbard, pour observer l’animal de plus près. D’ailleurs, Rémy Marion organise lui-même des voyages d’observation.

L’ours blanc n’est pas "une icône indestructible"

"L’ours polaire n’est pas une icône indestructible. Il peut mourir, il peut être vieux, il peut se blesser après s’être battu avec un morse", explique Rémy Marion. "Cet animal est devenu un symbole. Pour lui, on s’insurge mais le loup ou le grand requin blanc, on n’en veut plus" dénonce-t-il. Ces dernières espèces figurent elles aussi au rang des espèces protégées ou menacées.

Le documentariste adopte aussi une position très critique à l’égard de la communication virale des ONG qui, selon lui, utilisent ce symbole par "opportunisme". À l'instar de cette campagne de Greenpeace qui, en 2012, représente un ours blanc en mal de banquise, errant dans les rues de Londres à la recherche de nourriture. Contacté par France 24, Greenpeace a expliqué que sa campagne était désormais plus globalement axée sur le dérèglement climatique, et non plus sur l’animal.

L’urgence d’un recensement

"Nous ne pouvons pas nous permettre d’annoncer de déclin de l’espèce alors qu’on n’a pas de mesure précise", s’insurge Rémy Marion. D’après lui, il y aurait entre 20 000 et 25 000 ours polaires sur Terre, et rien n’indique que cette espèce a diminué. "Ces mesures datent de plusieurs années car les recensements restent encore très compliqués à réaliser, ce qui est très dommage. Les ours polaires vivent dans des territoires difficiles d’accès, cela demande des moyens que les scientifiques n’ont pas", ajoute le documentariste.

De son côté, l’organisation WWF contactée par France 24, admet qu’il n’y a "pas de recensement global de l’ensemble de la planète". "Cela représente des coûts énormes", explique Christine Sourd, la coordinatrice de WWF France. Mais l’ONG s’appuie sur des travaux scientifiques, essentiellement des "projections", comme celles du Polar bears specialist group, un groupe international de recherche qui annonce une baisse de la population mondiale d’ours blancs de plus de 30 % durant les 45 années à venir du fait de la diminution de la banquise. Autre projection alarmiste, celle du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui indique que l’espèce sera confrontée à "un risque élevé d’extinction" d’ici quelques décennies. "Si la cause écologique est basée sur de fausses photos ou des informations lacunaires, on ne sera plus crédible", regrette Remy Marion, lui aussi amoureux de l’animal légendaire.

Quant à la starisation de l’ours blanc, elle est justifiée, d’après WWF, qui rappelle qu’il est un "superprédateur" : "Situé tout en haut de l’écosystème, il sera touché le dernier car il a une grande facilité d’adaptation". Il fait donc figure de dernier rempart. Observer son comportement, c’est prendre le pouls de tout l’écosystème de la banquise, aussi l’ours polaire n’a pas fini d’entendre les flash crépiter.