Le géant japonais Sony a signé un accord avec Egrem, le principal label cubain, pour être le seul à pouvoir exploiter son catalogue dans le monde. Cet accord historique intervient alors que les relations entre Washington et La Havane se normalisent.
L’ouverture de Cuba au monde extérieur passe aussi par la musique. Le plus important label cubain, Egrem (Empresa de Grabaciones y Ediciones Musicales) a signé mardi 15 septembre un accord de distribution exclusif de son catalogue avec le géant japonais Sony, dont les détails financiers n’ont pas été rendus publics.
La multinationale du divertissement obtient ainsi le droit d’exploiter dans le monde entier environ 20 000 titres enregistrés depuis le début des années 30. Des artistes célèbres du collectif Buena Vista Club, comme Compay Segundo ou Ibrahim Ferrer, font partie du lot, mais la plupart des chanteurs et groupes sont méconnus du grand public international. Cet accord couvre aussi bien la musique que la vidéo (les clips et concerts filmés).
95 % de la musique cubaine
Certains des plus grands artistes cubains ont déjà été largement distribués hors des frontières nationales, mais uniquement à la faveur de contrats spécifiques. L’accord obtenu par Sony est historique car il concerne le catalogue entier d’Egrem, qui était en situation de monopole d'État à Cuba jusqu’à la fin des années 80. La timide ouverture à la concurrence dans le secteur n’a pas changé la donne : Egrem distribue encore actuellement près de 95 % de la production locale de musique.
Sony peut espérer que cette exclusivité se transforme en poule aux œuf d'or si la détente diplomatique de ces derniers temps entre Washington et La Havane entraîne un regain d’intérêt touristique et culturel pour Cuba. “Cet accord marquant étendra la renommée internationale et le goût pour la culture cubaine, le riche héritage musical de Cuba et ses nombreux merveilleux artistes”, s’est réjoui Doug Morris, le PDG de Sony Music Entertainment.
Les responsables d’Egrem sont sur la même longueur d’onde. “C’est la meilleure manière de donner un nouvel élan pour la distribution mondiale de la musique cubaine”, a assuré Mario Angel Escalona Serrano, le directeur du label cubain.
Déjà en 2004
Egrem avait déjà tenté en 2004 de faire une percée sur la scène internationale. Il avait commencé à distribuer une large partie de son catalogue directement au Royaume-Uni sans passer par des accords avec d’autres maisons de disque. Les responsables du label avaient alors expliqué que la crise économique cubaine des années 90 obligeait les acteurs de la scène musicale à trouver des relais hors de leur pays. Mais l’initiative avait fait long feu, sans que l’on sache vraiment pourquoi.
La reprise des relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba après 54 ans de silence radio a créé un climat favorable à la signature d'accords de distribution mondiaux. Mais Sony n’avait, en fait, pas attendu la main tendue par Barack Obama à Raul Castro pour négocier avec Egrem. Les discussions avaient débuté il y a plus de deux ans.
Cet accord n’aurait pas été juridiquement possible, d’après Sony, sans une exception concernant la production artistique dans le dispositif de sanctions économiques toujours imposées par les États-Unis à Cuba. La circulation des œuvres culturelles et de l’information ne doit pas être entravée par l’embargo américain, précise ainsi la législation américaine, qui invoque la défense de la liberté d’expression pour justifier cette exception.