
Membres du gouvernement et société civile s’élèvent contre la volonté de certains maires français de n’accueillir que des réfugiés syriens chrétiens. D'un point de vue juridique, une telle sélection se heurterait aux conventions internationales.
Face au drame des migrants, la solidarité s'organise peu à peu en France. Mais quelques maires ont dit ne vouloir accueillir que des réfugiés chrétiens, une demande condamnée par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui recevait, mardi 8 septembre, le président de l'Association des maires de France et les représentants des cultes.
Ces entretiens doivent baliser le terrain avant une réunion, samedi au ministère de l'Intérieur, regroupant les maires qui se sont portés volontaires pour l'accueil de réfugiés. Il s'agira pour l'État "de mettre à disposition des collectivités l'ensemble des outils et des financements nécessaires", pour organiser "dans des conditions dignes l'accueil des réfugiés persécutés", a indiqué Bernard Cazeneuve lundi, alors que la France s'est déclarée prête à accueillir 24 000 réfugiés dans les deux années à venir.
Distinction "funeste"
Mais une poignée de maires de droite a assuré qu'elle ne prendrait que des chrétiens. Le député-maire de Roanne, Yves Nicolin (Les Républicains), a expliqué que sa ville pourrait "accueillir peut-être une dizaine de familles mais à la condition qu'il soit bien question de réfugiés chrétiens qui sont persécutés par Daech parce qu'ils sont chrétiens". "Ce que je souhaite c'est qu'on puisse avoir l'absolue certitude que ce ne sont pas des terroristes déguisés", a-t-il dit. Celui de Belfort, Damien Meslot (Les Républicains), a affirmé qu'il réfléchissait à accueillir des "familles de chrétiens syriens et de chrétiens d'Irak", parce qu'ils sont "les plus persécutés".
Des prises de position condamnées par le ministre de l'Intérieur. "Cette distinction, je ne la comprends pas, je la condamne et elle me paraît funeste", a réagi Bernard Cazeneuve sur France 2. Les chrétiens d'Orient doivent être accueillis mais il y a aussi des musulmans qui sont persécutés et il y a d'autres minorités qui le sont avec le même degré de barbarie."
Même s'il a regretté "l'interprétation qui en est faite par certains médias", Yves Nicolin a maintenu ses propos, assurant mardi sur les ondes de France Bleu Saint-Étienne : "Ce n'est pas parce que nous sommes généreux que nous devons être aveugles et que nous devons le faire n'importe comment, sans prendre aucune précaution."
Contraire à l’esprit des religions
Ce genre de prises de position, très minoritaires, semblent également hasardeuses d'un point de vue juridique. "C'est absolument contraire à toutes les conventions internationales", a expliqué à l'AFP Serge Slama, maître de conférences en droit public à Paris Ouest-Nanterre.
La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés stipule que les États signataires en appliqueront les dispositions "sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine", et ce principe "est aussi rappelé dans un certain nombre de directives européennes", ajoute-t-il.
À la Conférence des évêques de France (CEF), on prend ses distances avec de telles propositions. "Évidemment, nous n'effectuons aucun tri, ça n'a pas lieu d'être et c'est contraire à l'esprit des religions", a assuré à l'AFP Vincent Neymon, secrétaire général adjoint de la Conférence.
Le président de la CEF, Mgr Georges Pontier, a dénoncé de son côté la "culture de la peur et de l'isolement". Pour lui, "la chose la plus délicate, c'est de contribuer à travailler à la culture de l'accueil, qui ne se révèle pas être en France la plus développée".
"On peut difficilement être sélectif"
Le sénateur Jean-Pierre Raffarin (Les Républicains) a lui aussi assuré qu'"on peut difficilement être sélectif". Avant d'ajouter sur France Inter : "Je comprends qu'on puisse dire cela. C'est vrai qu'il y a une question majeure des chrétiens aujourd'hui, c'est vrai qu'on peut considérer que dans le malheur il y a ici une priorité parce qu'on est en train d'exterminer des gens".
Au-delà de la polémique, les associations redoutent le message de "choix" sous-jacent. "Nous sommes scandalisés. Il est inacceptable qu'un élu républicain se réfère à des critères de discrimination sur des bases religieuses", a réagi Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, qui fait partie de la Fédération protestante de France.
Avec AFP