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Si les conflits du Moyen-Orient étaient au menu de la rencontre entre Barack Obama et le roi Salmane d'Arabie saoudite, ce vendredi à Washington, il y a été surement aussi question d’apaiser des relations tendues entre les deux pays.

Un peu plus de quatre mois après avoir boycotté un sommet avec les pays du Golfe à Camp David, où l’avait invité le président des États-Unis, le roi Salmane d'Arabie saoudite s’est rendu, vendredi 4 septembre, 0 Washington où il s’est entretenu avec Barack Obama.

Il s’agissait de la première visite du monarque chez son partenaire historique en sa qualité de souverain du royaume wahhabite, lui qui a succédé à son demi-frère Abdallah en janvier. Fait rarissime, il a été accueilli personnellement par le président américain à sa descente de voiture.

Divergences et mécontentements

Devant les caméras, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, Barack Obama a salué "l’amitié profonde et durable" entre les deux peuples, américains et saoudiens, et le partenariat stratégique entre les deux pays. Idem pour le souverain saoudien, qui a quasiment utilisé les mêmes termes. Nul doute cependant que les discussions à huis-clos auront été plus franches que les amabilités échangées devant la presse, au vu des divergences de points de vue officiels sur les dossiers moyen-orientaux (Syrie, nucléaire iranien).

Si Washington et Riyad sont alliés depuis la naissance du royaume en 1932, au titre d’un partenariat qui a permis aux Américains d’accéder au pétrole saoudien et à la puissance sunnite de bénéficier de la protection des États-Unis, leurs relations se sont sensiblement tendues sous l’ère Obama.

Outre les désaccords sur le Printemps arabe – les Saoudiens n’ont pas digéré le lâchage de leur allié et ancien président égyptien Hosni Moubarak par l’administration Obama–, il y a, au cœur de la discorde, la retenue américaine à l’égard du conflit syrien et la réticence de Washington à soutenir activement les rebelles islamistes en lutte contre le régime de Damas, honni par Riyad. Mais c’est surtout le réchauffement entre les États-Unis et leur grand rival régional iranien, de retour de facto sur la scène diplomatique, qui les irrite au plus haut point.

D’où l’absence du roi Salmane au sommet de Camp David, en janvier, interprétée à l’époque comme un signe de mécontentement de la part de Ryad face à la perspective de la signature d'un accord sur le programme nucléaire iranien.

C'est cet accord historique, finalement scellé par les grandes puissances et Téhéran à Vienne le 14 juillet, qui fait craindre au chef de file des monarchies sunnites du Golfe, que les États-Unis se désengagent du Moyen-Orient en laissant ainsi les mains libres à un Iran chiite, débarrassé des sanctions financières imposées par les Occidentaux, et livré "à ses ambitions hégémoniques".

Rassurer l’allié historique

Cette rencontre au sommet, très attendue par les observateurs, visait donc à resserrer les liens entre ces deux pays quelques jours après que l’administration Obama a acquis la certitude que l’accord de Vienne ne pourra pas être torpillé par le Congrès américain. Et ce à l’inverse de ce que souhaitait le camp républicain et de ce qu’espéraient secrètement les Saoudiens, bien que ceux-ci aient salué l’accord du bout des lèvres et non sans réserves. L'ancien puissant chef des services du renseignement saoudien le prince Bandar bin Sultan l’a jugé, en juillet, pire que celui conclu en 1994 avec la Corée du Nord, violé à maintes reprises depuis par Pyongyang.

"Publiquement, les Saoudiens soutiennent l’accord sur le nucléaire, mais en privé, ils sont angoissés à l’idée que cela soit le début d’un revirement américain en faveur des Iraniens", explique Ilan Goldberg, un ancien responsable au sein du Département d’État américain et spécialiste du Moyen-Orient, au site Politico.

Devant le roi Salmane, Barack Obama a réitéré sa volonté de mettre en oeuvre l'accord avec l'Iran "pour s'assurer qu'il n'obtienne pas l'arme nucléaire", tout en insistant sur sa détermination à lutter contre "ses activités déstabilisatrices dans la région". Une allusion à peine voilée au soutien actif de Téhéran au président Bachar al-Assad en Syrie et aux rebelles Houthis au Yémen, combattus par la coalition arabe chapeautée par Riyad.

Pour rassurer son allié wahhabite sur ses intentions, l’administration Obama va d'ailleurs accroître son aide militaire aux pays du Golfe qui font face à l’Iran. Dans une tribune publiée dans le quotidien USA Today, le chef du Pentagone Ashton Carter a réaffirmé que l’accord avec Téhéran, "qui ne prend pas en compte les nombreuses activités néfastes de l'Iran dans la région", n’empêchait nullement les États-Unis de continuer à "soutenir [ses] amis du Moyen-Orient".