
Le conseil des ministres discute, ce mercredi, d'un projet de loi sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie française. Les associations de victimes contestant le projet montent au créneau.
CHRONOLOGIE : les campagnes d'essais nucléaires français
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a présenté, en conseil des ministres, mercredi, son projet de loi tant attendu sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires réalisés entre 1960 et 1996,. Déjà des voix s’élèvent contre les conditions d’indemnisation des victimes et de leurs familles.
Le projet de loi prévoit que les victimes des essais nucléaires, civiles ou militaires, ayant séjournées sur les sites des essais en Algérie ou en Polynésie française et souffrant d’une maladie radio-induite reconnue seront indemnisées.
Mais la composition du comité d’indemnisation, chargé d’examiner les dossiers des demandeurs, n’a guère convaincu les associations de défense des victimes. Le texte de loi ne prévoit pas que les associations soient représentées au sein du comité, dont les membres seront désignés par plusieurs ministères.
"Nous sommes absolument contre, affirme Hélène Luc, sénatrice honoraire et membre du comité de soutien Vérité et justice, qui regroupe des personnalités de différents bords qui soutiennent les victimes des essais, dans un entretien accordé à FRANCE 24. Nous proposerons en amendement de faire partie d’une commission nationale de suivi."
Des conditions d’indemnisation "restrictives"
Outre la composition du comité d’indemnisation, la liste des maladies radio-induites ouvrant droit à des réparations (cancers de la thyroïde, des poumons, du sein, leucémies, etc.) ne fait pas l’unanimité. Selon Hélène Luc, la liste émise par le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) qui a été prise pour base par le projet de loi est très "restrictive". "Elle ne prend pas en compte de nouveaux cancers et des maladies cardiaques qui apparaissent [chez les vétérans]", affirme-t-elle.
John Doom, coordinateur de l’association Moruroa e Tatou, dénonce "un marché de dupes" étant donné les conditions
d’indemnisation des victimes. Pour lui, le projet de loi ne prend pas en compte toutes les zones de la Polynésie française touchées par les essais nucléaires. A Tahiti, par exemple, le projet de loi prévoit que seules les demandes des habitants de la presqu’île soient prises en compte et non celles des résidents de la capitale Papeete. Mais selon John Doom, l'île de Tahiti a subi 23 retombées radioactives pendant les essais nucléaires.
"Quelques centaines" de personnes concernées
Fin mars, Hervé Morin avait estimé à "quelques centaines" le nombre de personnes qui, victimes de radiations, avaient pu développer un cancer, précisant que le plan d'indemnisation serait doté d'une première enveloppe de 10 millions d'euros pour 2009. Selon les associations, le nombre de personnes ayant subi des retombées des essais nucléaires est bien supérieur.
Selon le Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN), près de 150 000 personnes, travailleurs civils et militaires, ont participé de 1960 à 1996 aux 210 essais menés par la France dans le Sahara algérien puis en Polynésie française.
Le projet de loi était d'autant plus attendu que la cour d'appel de Paris a rejeté, vendredi, les demandes présentées par 12 anciens militaires atteints de cancers de la peau, du sang ou des reins. Seuls cinq d'entre eux survivent encore, les autres étant désormais représentés par leurs ayants droit.