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Le général Petraeus propose d’enrôler des combattants d'al-Nosra contre l'EI

L’ancien directeur de la CIA et général à la retraite David Petraeus a déclaré mardi que Washington devrait songer à enrôler certains combattants du Front al-Nosra, branche d'Al-Qaïda en Syrie, pour lutter contre EI.

L’ancien directeur de la CIA et général à la retraite David Petraeus a déclaré mardi 2 septembre que les États-Unis devraient songer à enrôler certains combattants du Front al-Nosra, branche d'Al-Qaïda en Syrie, dans la coalition contre l'organisation de l’État islamique (EI).

"En aucune circonstance, nous devrions essayer d'utiliser ou de coopter le Front al-Nosra", a-t-il précisé dans une déclaration à la chaîne américaine CNN, écartant toute possibilité d’alliance avec le groupe jihadiste. "Mais certains combattants" de ce groupe "l'ont rejoint plus par opportunisme que par idéologie (…)", a-t-il ajouté, "faute d’avoir trouvé une alternative crédible, étant donné que l’opposition modérée n’a pas encore obtenu d’équipement adéquat".
Soutenir ou pas l’opposition syrienne modérée : le débat a fait couler beaucoup d’encre à Washington, depuis le début de la crise en Syrie et le soulèvement armé contre le régime du président Bachar al-Assad. Nombreux sont ceux – y compris la candidate démocrate à l'élection présidentielle et ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton – qui ont critiqué le manque de soutien américain aux Syriens modérés, qui selon eux, a favorisé l’essor de l’influence jihadiste dans le pays.
Une stratégie qui a fait ses preuves en Irak
Selon David Petraeus, il pourrait être possible de récupérer les combattants qui "voudraient renoncer au Front Al-Nosra et s'aligner avec l'opposition modérée contre al-Nosra, l'EI et (le régime du président syrien) Assad". Mais pour ce faire, le soutien militaire américain sera vital à une telle démarche, argumente le général. Un revirement stratégique qui nécessite, selon lui, "d’une part la montée en puissance de groupes, plus forts, d’opposants modérés, - soutenus par les États-Unis et la coalition -, et d’autre part une pression militaire intense sur tous les groupes extrémistes". 
L’ancien directeur de la CIA mise semble-t-il sur une stratégie qui a déjà fait ses preuves par le passé. En effet, le général Petraeus avait été crédité dans son pays du redressement de la situation militaire en Irak, en 2007, après le déploiement de 30 000 soldats. Surtout, il avait convaincu des chefs sunnites irakiens de travailler avec l'armée américaine, et de ne plus se battre pour le compte de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda.
Wassim Nasr, journaliste à France 24 spécialiste des groupes jihadistes, indique que la stratégie de David Petraeus, s’était montrée "très, très efficace" en Irak, avec l’enrôlement de dizaines de milliers de miliciens de la Sahwa ("réveil" en arabe), une force formée à la fin de 2006 dans les régions sunnites pour mater l’insurrection et le réseau Al-Qaïda. "Il était même parvenu à rallier certains groupes qui étaient, à ce moment, hostiles aux États-Unis, ajoute-t-il. Washington était parvenu à ses fins en payant beaucoup d’argent, en leur fournissant des armes, et en leur promettant un partage des pouvoirs dans le nouveau système politique irakien."
Toujours est-il qu’en Syrie, la situation n’est pas exactement la même. "C’est une situation très compliquée pour Washington, parce que jusqu’ici, ils n’ont personne sur le terrain pour combattre les jihadistes", poursuit-il. 
"Désespéré"
Certains analystes pensent que c’est le manque d’engagement des Américains en Syrie qui place Washington face à des choix douteux. "Cela prouve [la proposition de Petraeus, NDLR] que l’objectif fixé par les États-Unis d’affaiblir et de détruire l’EI n’a pas été atteint. Si c’était le cas, on ne serait pas en train de parler à ces groupes terroristes pas tout à fait étrangers", a expliqué Christopher Harmer, un expert militaire de l'Institut américain des études sur la guerre (ISW), au "Daily Beast". "D’un point de vue stratégique, c’est désespéré."
"Les alliances de convenance, qui auraient été impossibles il y a deux ans, sont désormais plausibles, et d’une certaine manière inévitables, parce que nous ne sommes prêts à envoyer des hommes sur le terrain", a-t-il encore jugé.
Jusqu’ici le programme de formation et d'équipement de combattants syriens modérés lancé par l'administration américaine a tourné au fiasco. En effet, seuls 54 combattants ont été formés jusqu'à présent, alors qu’il était question d’en former, en trois ans, près de 15 000. Pis, certains d’entre eux ont été enlevés dès leur retour en Syrie par le Front al-Nosra.
Avec AFP