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Crise migratoire : la Hongrie mauvaise élève de l'UE ?

La Hongrie digère mal les propos de Laurent Fabius, qui a jugé sa politique migratoire "scandaleuse". En première ligne face à l'afflux d'immigrés clandestins, Budapest s'estime, de son côté, abandonné par les autres pays européens.

La Hongrie a mal digéré les propos du chef de la diplomatie française sur sa politique migratoire. Fermeture de centres de migrants, construction d’un mur de barbelés à la frontière serbe… Laurent Fabius a jugé "scandaleuse", dimanche 30 août, la position de Budapest, qui selon lui ne respecte pas "les valeurs communes de l’Europe". Touché au vif, le ministère hongrois des Affaires étrangères a convoqué lundi l’ambassadeur de France en Hongrie.

Laurent Fabius n’est pourtant pas le premier à critiquer cette politique. En juin, la Serbie, pays frontalier, s’était dite "choquée" par la construction du mur anti-migrants en Hongrie. "La solution n'est pas de dresser des murs […] La Serbie est-elle responsable de la crise en Syrie ?", s'était interrogé le chef du gouvernement serbe, Aleksandar Vucic.

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À la mi-juin, le gouvernement de Viktor Orban a en effet ordonné la construction d’un mur de barbelés de 175 km le long de sa frontière avec la Serbie, pour tenter de stopper l’afflux massif de migrants sur son territoire. Mais pas seulement. Le pays avait dans la foulée durci son arsenal législatif pour rendre quasiment impossible l’obtention du droit d’asile et suspendu sa participation aux accords de Dublin III, selon lesquels tout réfugié doit faire sa demande d’asile auprès du premier pays de l'espace Schengen dans lequel il a mis le pied.

"Certains pays incapables de comprendre quelle pression subit la Hongrie"

La Hongrie, dont le gouvernement applique sans ciller une politique d’extrême droite à l’égard des migrants, fait figure de mauvais élève dans cette crise migratoire. Le pays impose des mesures "sévères", a même déclaré Laurent Fabius. "On ne respecte pas les valeurs de l’Europe en posant des grillages", a-t-il ajouté.

Seulement, la Hongrie avance des excuses pour justifier la politique anti-migrants qu'elle a mise en place : le pays est la porte d’entrée de l’espace Schengen pour les clandestins arrivant par la Serbie. Et du fait de Dublin III, c’est à Budapest d’examiner leur demande d’asile - même quand ces immigrés veulent rejoindre d'autres pays, comme l'Allemagne ou la Suède. C'est aussi à la Hongrie de les accueillir, s'ils sont arrivés sur son sol en premier, quand les autres pays européens les repoussent hors de leurs frontières. 

Alors, forcément, là-bas, la réflexion du ministre français passe mal. "Il apparaît que certaines personnes en Europe sont toujours incapables de comprendre quelle pression stupéfiante et dramatique subit la Hongrie du fait de la migration via les Balkans de l’Ouest", s’est défendu lundi le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto.

Plus de 100 000 personnes ont demandé l'asile en Hongrie depuis le mois de janvier 2015. Vingt fois plus qu'en 2013. "La barque est pleine", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Zoltan Kovacs.

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Polémique France-Italie

Même si elle se pose ici en gardienne des "valeurs de l’Europe", la France a connu elle aussi le même genre de polémique. Il y a quelques semaines, au mois de juin, Paris et Rome s'étaient querellés sur la question migratoire. L'Italie reprochait à la France d'avoir fermé sa frontière à Vintimille pour empêcher les migrants de passer dans l'Hexagone. Les clandestins arrêtés en France étaient automatiquement reconduits en Italie.

Aujourd'hui, les pays européens se divisent plus que jamais sur la gestion de la crise des migrants qui affluent sur le continent. Une majorité de pays européens plaident pour une réforme en profondeur des réglements migratoires de l’UE. Mais iront-ils jusqu’à amender les accords de Dublin sur la prise en charge des demandeurs d’asile ?

Pour l’heure, seule l’Allemagne a fait un effort en ce sens. Mardi 25 août, Berlin a annoncé qu’elle arrêtait de renvoyer les demandeurs d’asile syriens vers leur premier pays d’entrée dans l’espace Schengen. Un effort que la France, elle, n’a pas encore fait.

Avec AFP et Reuters