
Après les manifestations anti-corruption, le Premier ministre irakien a ordonné vendredi la réouverture de la "zone verte" à Bagdad, une enclave ultra sécurisée abritant le siège du gouvernement. D’aucuns craignent un impact négatif sur la sécurité.
C’est une forteresse située au cœur de la capitale irakienne qui devrait bientôt ouvrir ses portes. La "zone verte", ce périmètre ultra sécurisé d’une dizaine de kilomètres carrés niché près du fleuve Tigre, va rouvrir, a annoncé vendredi 28 août le bureau du Premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi. Ce dernier a demandé aux forces de sécurité de faire "le nécessaire pour ouvrir la zone verte aux citoyens".
La zone verte est une ville dans la ville ultra sécurisée mise en place en 2003 après la chute de Saddam Hussein. À cet endroit, où s’érigeaient jadis les somptueux palais de Saddam, se dressent plusieurs ambassades, dont celle des États-Unis, et les services gouvernementaux. "En somme, tous ceux qui veulent se mettre à l’abri", explique David Rigoulet-Roze, chercheur et spécialiste du Moyen-Orient, contacté par France 24. Le périmètre est protégé par de hauts murs de béton, des chars, des véhicules blindés et des membres des forces d'élite des forces de sécurité.
"La zone verte est vue par le reste de la population comme un endroit surprotégé pour VIP. De plus, l’aéroport de la ville ne se situant pas très loin, les officiels peuvent effectuer la liaison avec leur bureau, par convoi militarisé, sans avoir à pénétrer dans les quartiers plus sensibles de la capitale", note David Rigoulet-Roze.
L’endroit, rendu quasiment inaccessible aux citoyens irakiens, est ainsi devenu, au fil des années, le symbole de la "bunkerisation d'un pouvoir et de ses alliés américains, d'abord préoccupés par leur propre sécurité", comme l’expliquait le journaliste Georges Malbrunot dans les colonnes du "Figaro" en avril 2015. Le côté controversé des lieux est tel que certaines ambassades, dont la française et l’allemande, ont mis un point d’honneur à ne pas être transférées à l’intérieur de cette enceinte.
"Mesure d’affichage"
Cette décision du Premier ministre Haïdar al-Abadi est censée apaiser les tensions grandissantes entre la classe politique irakienne, accusée de corruption, et les Irakiens, alors même que de nouveaux rassemblements anti-gouvernementaux étaient prévus vendredi en Irak. Depuis plusieurs semaines, à Bagdad et dans d'autres villes, des manifestations ont lieu contre la mauvaise qualité des services publics et particulièrement les coupures d'électricité, qui laissent les Irakiens sans courant plusieurs heures par jour par des températures dépassant les 50° C. Les manifestants, majoritairement des Irakiens laïcs, dénoncent la corruption et l'incompétence de la classe politique.
Dans ce contexte, la réouverture de la fameuse "zone verte" a des allures de "mesure d’affichage", estime David Rigoulet-Roze. "On est dans une logique publicitaire adressée à l’Irakien moyen : montrer à la population qui n’est pas privilégiée que l’on essaie de revenir sur un certain nombre de privilèges. Tout ceci s’inscrit dans une politique générale de lutte contre la corruption."
Le 11 août dernier, le Parlement a approuvé un plan de réformes, comprenant notamment la réduction des postes ministériels et la baisse drastique du nombre de gardes du corps pour les hauts responsables.
Vendredi, Haïdar al-Abadi a également ordonné la réouverture des rues fermées près des sièges des partis politiques ou des résidences d'autres personnalités à Bagdad ou en province. Outre le symbole d’ouverture que représente cette mesure, l’accès à de nouvelles artères de la capitale par tous va permettre de fluidifier la circulation automobile.
La sécurité revue à la baisse ?
Toutefois, certains craignent les conséquences négatives de cette réouverture en matière de sécurité dans une ville régulièrement frappée par des attentats. "Maintenant va se poser le problème de la sécurité. La suite des événements montrera si cette décision est une erreur ou pas", poursuit David Rigoulet-Roze.
Cette annonce pourrait provoquer l'inquiétude des ambassades des États-Unis et de la Grande-Bretagne qui se trouvent dans la zone et la considèrent comme une garantie pour leur sécurité.
Si les attaques à Bagdad ont diminué par rapport au premier semestre de 2014, des attentats frappent toujours la capitale, notamment revendiqués par l’organisation jihadiste de l’État islamique.