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Liban : la crise des déchets se poursuit, après l'échec du gouvernement à y trouver une issue

Le gouvernement libanais a échoué mardi à trouver une issue à la crise du ramassage des ordures ménagères, à l'origine de manifestations organisées le week-end dernier.

La crise du ramassage des déchets se poursuit au Liban, après l'échec du gouvernement à y trouver une issue, malgré un conseil des ministres exceptionnel mardi 25 août. À l'issue d'une réunion de cinq heures, les ministres ont annulé les adjudications annoncées la veille pour la gestion des déchets en raison de leur prix élevé et renvoyé le dossier à une commission ministérielle.

Une décision qui risque d'exacerber la colère de la population ulcérée, outre la crise des ordures, par la corruption généralisée, le dysfonctionnement des services publics - coupures d'électricité, pénuries d'eau -, l'insécurité et les blocages politiques. Et la pression est forte sur le pouvoir après un week-end de tension durant lequel des milliers de personnes sont descendues dans les rues de la capitale pour exprimer leur ras-le-bol.

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"Nous appelons le peuple libanais à participer aux mouvements spontanés place Riad el-Solh pour protester contre le pouvoir politique qui a ignoré toutes les revendications sociales et continue dans son entêtement", a affirmé sur Facebook la campagne "Vous puez", lancée par la société civile et à l'origine du mouvement de protestation. "Tout cela en préparation à samedi", où une nouvelle manifestation d'ampleur est prévue.

Pour montrer leur détermination à maintenir coûte que coûte leurs revendications, quelques centaines de manifestants se sont aussitôt rassemblés, place Riad el-Solh, dans le centre-ville de Beyrouth.

"Mur de la honte"

En soirée, après le départ des manifestants, un groupe de jeunes ont caillassé les forces de sécurité, incendié des barrières en plastique et saccagé des panneaux publicitaire et de signalisation, a constaté un correspondant de l'AFP. Ils ont également tenté d'enlever les barbelés, avant d'être pourchassés par la police, qui en a arrêté plusieurs.

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Des blocs de béton posés lundi sur ordre du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, après deux jours de manifestations qui avaient dégénéré, ont été retirés à la demande du Premier ministre Tammam Salam, les militants dénonçant un "mur de la honte".

"Règne des gangs"

Sur cette place, devenue l'épicentre de l'agitation contre l'incurie gouvernementale, les protestataires affichaient leurs rancœurs et leurs espoirs. "Les gens émigrent, ici il n'y a pas de travail, pas de vie possible, c'est le règne des gangs et de la mafia, mais leur fin approche", a affirmé à la télévision l'un des manifestants.

"Quelque chose va changer, il est temps que les députés et les ministres émigrent", a lancé un autre. Samedi et dimanche, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues à Beyrouth pour exprimer leur ras-le-bol, les rassemblements se terminant par des heurts qui ont fait des dizaines de blessés dans les camps des forces de sécurité et des manifestants.

Les protestations à l'appel de "Vous puez" ont été organisées après que des montagnes d'ordures se sont amassées à Beyrouth à l'expiration des précédents contrats pour leur collecte en juillet.

Plus d'un mois après, les revendications dépassent largement le cadre d'un problème sanitaire pour se focaliser sur le dysfonctionnement de l'Etat. Le Premier ministre a lui même mis en garde contre un vide gouvernemental si une solution n'était pas trouvée cette semaine à la crise des déchets.

"Classe politique corrompue"

Une réunion ordinaire du Conseil des ministres est prévue jeudi. Témoignant de la paralysie du gouvernement, miné par les disputes politiques et les rivalités, six ministres du bloc du mouvement armé chiite Hezbollah se sont retirés de la réunion au milieu des débats.

L'annonce du nom des compagnies choisies pour ramasser les ordures dans les six régions du pays avait été dénoncée par les manifestants, pour qui les entreprises choisies sont liées à des politiciens et demandent des prix plus exorbitants que les précédents contrats.

Au delà, le cœur du problème reste de remplacer la décharge de Naamé, au sud de Beyrouth, fermée le 17 juillet. En l'absence de nouveaux sites et de solutions alternatives, les ordures s'étaient empilées dans les rues en pleine période de grosses chaleurs. Jusqu'à ce que les municipalités trouvent des solutions provisoires en jetant les déchets dans des terrains vagues, des lits de rivières ou même des vallées.

Selon les médias, même si une solution est trouvée, il faudra six mois pour aménager un terrain et trier les déchets avant de les ramasser."Il y a une bataille principale, celle des ordures mais nous menons une bataille générale contre la classe politique corrompue", a résumé Marwan Maalouf, l'un des militants de la campagne "Vous puez".

Pour les experts, ces protestations reflètent la frustration de la population contre une élite politique qui s'estime intouchable et agit en toute impunité.

Outre la vacance de la présidence, le pays est privé de législatives depuis 2009, le Parlement ayant prorogé lui-même son mandat à deux reprises.

Avec AFP

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