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Bourse : pourquoi le lundi noir chinois s’est propagé au reste du monde

De Paris à Wall Street, les marchés financiers ont connu lundi une journée de fortes pertes. Les Bourses du monde entier semblent avoir été contaminées par la panique boursière chinoise. À tort ou à raison ?

Pendant quelques instants, lundi 24 août, le Dow Jones a perdu plus de 1 000 points, avant de remonter légèrement. C’était sa chute la plus brutale depuis l’époque de la faillite de Lehmann Brother, en 2008. En Europe, la valeur boursière des 300 entreprises les plus importantes cotées en Bourse a baissé de plus de 400 milliards d’euros en un jour. Ce sont les conséquences directes du lundi noir à la Bourse de Shanghaï, dont l’onde de choc a fait plonger les marchés boursiers en Europe et à Wall Street.

La principale place financière chinoise a chuté de 8,47 %, sa pire performance journalière depuis le minikrach du 27 février 2007. Elle avait déjà fortement chuté la semaine dernière, suscitant l’inquiétude des investisseurs du monde entier quant à la capacité des autorités chinoises à calmer ce qui ressemble de plus en plus à une panique boursière.

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Correction naturelle ?

La contre-performance de lundi n’a fait que confirmer le malaise : il y aurait quelque chose de pourri au royaume du miracle économique chinois. Conséquence : le CAC 40 parisien a cloturé en baisse de 5,35 %, tandis que les pertes à la Bourse de Francfort ont dépassé les 4,6 %. Le Dow Jones américain chutait, quant à lui, de près de 6 % peu après l’ouverture de la Bourse de New York.

"Comme en août 1997, 1998, 2007 et 2008, il peut s'agir des prémices d'une situation très dangereuse", Lawrence H. Summers, ancien ministre américain de l'Économie.

Ces répliques internationales aux secousses boursières chinoises ont commencé il y a un peu plus d’une semaine pour atteindre un pic ce lundi. La Bourse de Shanghaï multiplie pourtant les pertes depuis fin juin. Pourquoi ce retard à l’allumage ? La baisse a longtemps été analysée comme une correction naturelle d’un marché en surchauffe. L’indice shanghaïen avait augmenté de 100 % en un an avec l’arrivée massive de petits investisseurs qui préféraient les délices de la Bourse à des placements immobiliers de moins en moins lucratifs en Chine. "La Bourse était déconnectée de la réalité économique d’un pays dont la croissance ralentissait", résume Mary-Françoise Renard, directrice de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine (Idrec) à France 24.

Mais l’ampleur de cette "correction boursière" semble cependant avoir échappé au contrôle de Pékin. Les autorités ont mis en place divers dispositifs - limites des ventes de titres, rachats d’actions par des fonds étatiques - pour calmer les marchés, sans grand succès. "Lorsqu’on regarde la situation en Chine, on a l’impression que le gouvernement ne contrôle absolument plus la situation", explique au "Guardian" Fraser Howie, expert de l’économie chinoise et co-auteur de "Red capitalism : the fragile foundation of China’s extraordinary rise" (Le capitalisme rouge : les fondations fragile de la croissance extraordinaire de la Chine). De quoi effrayer les investisseurs.

Ces derniers ont aussi été échaudés par la décision surprise de Pékin de dévaluer le yuan, le 10 août. Cette annonce, qui vise à soutenir des exportations chinoises en perte de vitesse, a été perçue par les investisseurs comme un aveu de faiblesse économique de la Chine.

Une panique non justifiée ?

D’où la débandade boursière de ce lundi : les investisseurs ont perdu confiance en Pékin pour maîtriser la situation. Ils se demandent "quelle est l’ampleur réelle des problèmes économiques chinois", note le site économique américain Quartz. Ce dernier craint même que la situation actuelle soit le point de départ d’une nouvelle crise financière et économique similaire à celle de 2008.

Mais, Mary-Françoise Renard met en garde contre tout catastrophisme économique concernant la Chine. Elle rappelle que Pékin "est en train de restructurer son économie qui n’est plus en phase de rattrapage et ce processus prend du temps". Le pays met en place des réformes pour favoriser l’émergence du secteur des services au détriment de l’industrie qui a longtemps été son moteur de croissance via les exportations.

De ce fait, sa compétitivité en prend un coup et sa croissance en 2015 "pourrait très bien être inférieure à l’objectif des 7 % fixé par les autorités", estime Mary-Françoise Renard. C’est, pour elle, une phase de transition normale pour toute économie en mutation. Il suffirait, en somme, d’attendre et d’être patient. Ce qui n’est pas forcément la qualité première des investisseurs en Bourse.