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Thalys : nier l'acte terroriste, une nouvelle ligne de défense des jihadistes ?

Comme Sid Ahmed Ghlam à Villejuif ou Yassin Salhi en Isère, Ayoub El Khazzani, l'auteur présumé de l'attaque du Thalys, à nié la portée terroriste de son acte. Est-ce là une nouvelle stratégie de défense des jihadistes ? Éléments de réponse.

Ayoub El Khazzani n'entend pas endosser le costume du terroriste. Auditionné par les hommes de la DGSI à Levallois-Perret depuis samedi, le Marocain de 25 ans suspecté d'avoir ouvert le feu et blessé deux personnes dans le Thalys reliant Amsterdam à Paris vendredi 21 août, nie le caractère terroriste de son attaque. Mieux, le suspect "hagard" et "étonné de ce tout ce qui lui arrivé", selon son avocate Sophie David, affirme être passé à l'acte pour des "besoins d'argent".

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Nier la portée terroriste d’une attaque semble être devenu la ligne de défense classique des jihadistes arrêtés ces derniers mois en France, à grand renfort d’arguments flirtant parfois avec le ridicule. Ainsi, Sid Ahmed Ghlam, l’étudiant soupçonné d’avoir planifié des attaques contre des églises dans le Val-de-Marne, a soutenu avoir déjoué un attentat et avoir été blessé au pied par un mystérieux complice. Quant à Yassin Salhi, qui a décapité en juin son patron à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), il plaide le coup de folie après une altercation avec lui.

Ce reniement signerait-il une nouvelle ligne de défense des terroristes ? "Rien n'est moins sûr", allègue le journaliste et écrivain Mohamed Sifaoui. "Il n’y a que les médias qui avancent l’idée d’une nouvelle stratégie de défense car dans les faits, il n'y a rien de nouveau", note le spécialiste du terrorisme islamiste. Rares sont les terroristes qui revendiquent eux-mêmes leur acte. Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau des attentats du 11-Septembre, ou les auteurs des attentats du RER B de la station Saint-Michel, entre nombreux autres, n'ont jamais rien avoué", rappelle-t-il.

"Encyclopédie globale de sécurité", la Bible du jihadiste

Pour le journaliste, les actes terroristes sont le plus souvent revendiqués par des organisations islamistes et rarement par les terroristes eux-mêmes, sauf dans le cas où ces derniers se savent encerclés comme, Mohamed Merah. Par ailleurs, les organisations terroristes ne revendiquent que les actes menés jusqu’à leur terme. "Elles n’ont aucun intérêt pour leur image à mettre en avant un acte terroriste raté. Pas plus qu’elles n’ont d’intérêt à revendiquer un acte terroriste lorsque l’assaillant est en garde à vue sous peine d’accabler l’un des leurs", poursuit encore Mohamed Sifaoui.

Et il n'y a rien d'étonnant à ce que les terroristes maintiennent la même ligne de défense, selon l’auteur de l’ouvrage "Pourquoi l’islamisme séduit-il ?". "Depuis dix ans, des manuels sont distribués aux apprentis jihadistes par les canaux habituels des organisations terroristes sur le bon comportement à adopter avant, pendant et après l'acte terroriste. L’un d’entre eux, intitulé 'Encyclopédie globale de sécurité', comporte un chapitre sur la garde à vue et conseille à ses lecteurs de nier toute velléité terroriste", souligne-t-il encore. Et à bien y réfléchir, "pourquoi les terroristes iraient avouer à des autorités policières, qu'ils ne reconnaissent pas, un acte terroriste qui alourdirait leur peine ?"

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Thalys : nier l'acte terroriste, une nouvelle ligne de défense des jihadistes ?

Une stratégie d'amateur ?

Une position que ne partage pas forcément Wassim Nasr, journaliste et spécialiste des questions jihadistes à France 24. Selon lui, cela relève d'un différent degré d'implication, entre des "terroristes professionnels comme les frères Kouachi" et des profils plus "amateurs" : "Le fait qu'Ayoub El Khazzani se soit rétracté traduit une certaine forme d’amateurisme de ceux qui (...) ne sont pas prêts à tout pour parvenir à leurs fins."

Professionnel ou pied nickelé, "n’importe quel homme dépourvu de formation mais animé par une idéologie islamiste armé d’une kalachnikov est un terroriste", conclut Mohamed Sifaoui.