
Fin du feuilleton pour la justice allemande. Après le limogeage du procureur général, son remplaçant par intérim a classé l'enquête pour "haute trahison" concernant deux journalistes d'un blog spécialisé dans les libertés numériques.
L'enquête pour trahison d'État visant deux journalistes allemands et qui avait coûté son poste au procureur général, a finalement été classée, a annoncé la justice allemande lundi 10 août. Cette enquête visant Netzpolitik.org, un blog spécialisé dans le numérique, a suscité en Allemagne une vaste polémique sur la liberté de la presse.
"Le procureur général a classé l'enquête sur des soupçons de révélations répréhensibles de secrets d'État", indique dans un communiqué le parquet fédéral de Karlsruhe (sud-ouest). "Il part du principe, en accord avec le ministère de la Justice, qu'il ne s'agit pas, concernant les documents publiés, de secrets d'État."
Le procureur général, Harald Range, a été contraint par son ministère de tutelle, la semaine dernière, de suspendre cette enquête, avant d'être mis à la retraite anticipée pour avoir accusé le ministre de la Justice, Heiko Maas, d'atteinte à l'indépendance de la justice. Un procureur par intérim a été nommé, Gerhard Altvater.
L'enquête, initiée en mai, visait les journalistes Markus Beckedahl et André Meister, du blog Netzpolitik.org, qui ont publié en début d'année des documents sur des projets de surveillance en ligne par le renseignement intérieur. Ce blog est spécialisé dans la défense des droits des acteurs du numérique.
Une première depuis les années 1960
La révélation de cette enquête préliminaire a fait l'effet d'une bombe, de nombreuses voix s'élevant contre une atteinte manifeste à la liberté de la presse et une tentative d'intimidation de journalistes d'investigation. C'est d'ailleurs la première fois que des journalistes sont visés par une telle enquête depuis les années 1960.
L'un des deux reporters, le rédacteur en chef Markus Beckedahl, a indiqué ne pas être étonné que cette enquête soit stoppée car "il s'agissait d'une construction juridique affligeante". Il a toutefois assuré que cette affaire n'était pas terminée. "Nous exigeons de la transparence pour savoir si, dans le cadre de cette enquête, nous avons été victimes de surveillance (...) Nous voulons savoir comment on en est venu à cette enquête", a-t-il indiqué à l'AFP.
Le procureur général a assuré lundi que l'enquête se poursuivait concernant les responsables des services de renseignement intérieur qui auraient pu fournir des documents au blog. Elle sera menée par les autorités judiciaires régionales compétentes et porte sur une "violation du secret professionnel".