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Combats de coqs : le Conseil constitutionnel tranche, le Nord polémique

Le Conseil constitutionnel a jugé vendredi conforme à la Constitution l'interdiction de créer en France de nouveaux gallodromes pour y organiser des combats de coqs, une tradition vivace dans le nord de la France mais dont la fin est programmée.

Le sort est scellé : les "coqueleux" n’auront pas de nouveaux gallodromes où faire combattre leurs coqs. Vendredi matin, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 521-1 du Code pénal qui "autorise des combats de coqs là où une tradition locale ininterrompue peut être invoquée", mais "interdit de créer de nouveaux gallodromes" en France.

Les Sages de la rue de Montpensier étaient amenés à se prononcer sur cette tradition autorisée dans certaines régions de France : le Nord-Pas-de-Calais, La Réunion, la Guyane, les Antilles et la Polynésie. Deux Réunionnais avaient en effet déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) après avoir été poursuivis en justice pour avoir ouvert illégalement un nouveau lieu de combat dans leur quartier, à Sainte-Marie. Ils risquent deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Leur avocate, Fabienne Lefèvre, a dénoncé une "différence de traitement" de la loi qui autorise la construction de nouvelles arènes pour la corrida mais interdit la construction de nouveaux gallodromes. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel justifie cette différence de traitement par la "nature distinctes" de ces pratiques.

Une tradition française ?

Sur ce dernier point, le coqueleux Christian Lévêque est d’accord : "La corrida oppose un homme armé à une bête. Alors que les combats de coqs mettent deux animaux en face-à-face. Et en plus c’est comme les boxeurs, ils jouent dans la même catégorie", précise-t-il à France 24. Président de la société historique de Gondecourt, commune du Nord-Pas-de-Calais connue pour sa communauté de coqueleux, Christian Lévêque est amateur de combats de coqs depuis sa tendre enfance. Initié par son père, il défend cette tradition française millénaire.

"C’est une tradition qui remonte à l’Antiquité, où l’on s’est rendu compte que les coqs se battent naturellement. En France, c’est un loisir de pauvres depuis des centaines d’années et là, des gens qui n’y connaissent rien, qui sont dans leurs bureaux à Paris et n’ont jamais mis les pieds dans un gallodrome veulent imposer leur loi", s’offusque-t-il.

La loi, en l’occurrence, est inchangée depuis 1964. C’est Charles de Gaulle qui a fait modifier un article interdisant de "commettre des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux" pour en exclure les courses de taureaux et les combats de coqs, uniquement dans "les localités où une tradition ininterrompue peut être établie". Le Général de Gaulle, lui-même nordiste, aurait même dit : "Puisque l’on mange des coqs, il faut bien qu’ils meurent d’une façon ou d’une autre".

Dans le Nord-Pas-de-Calais, les associations de défense des animaux estiment au contraire que cette pratique n’a rien de locale. "Ce n’est pas une tradition française, ça a été importé d’Asie par les Flamands récemment. D’ailleurs aujourd’hui, plus de la moitié des membres de la Fédération des coqueleurs français sont Belges !", assure Anthony Blanchard, président de l’association Cause animale Nord. En Belgique, les combats de coqs sont interdits depuis 1929.

Les associations de défense animale au combat

Le militant de la cause animale se félicite de la décision du Conseil constitutionnel. "Nous sommes entièrement satisfaits. C’est une petite victoire. Mais la bataille continue, nous resterons mobilisés jusqu’à l’interdiction totale des combats de coq. La France est un pays arriéré qui considère encore les animaux comme des meubles !", dénonce-t-il.

Dans les gallodromes, en l’occurrence, les coqs "gallus gallus", du nom de l'espèce la plus répandue, sont de précieux combattants. Mis au centre d’une sorte de ring circulaire, les coqs s’affrontent à coup de becs et d’ergots métalliques, face à un public qui échange les paris. Là où Christian Lévêque voit un "très beau spectacle familial, tant pendant le combat que pendant sa préparation", Anthony Blanchard voit une scène de torture barbare : "On coupe la crête, les ergots, les aiguillons des coqs, et tout ça à vif ! Puis on les nourrit au chanvre pour les exciter et avant les combats, on les drogue pour les rendre plus agressifs", décrit-il.

En mars 2015, Anthony Blanchard et ses acolytes ont manifesté leur colère lors de l’annuel combat organisé à Gontecourt. Christian Lévêque, qui était présent, a encore du mal à s’en remettre : "Ils sont venus avec leur pancarte et ils nous ont insultés. De mes yeux, j’ai vu une mère de famille repartir en pleurant tellement ils étaient violents !" raconte-t-il. "Mais ce qu’ils ne réalisent pas, c’est qu’en voulant interdire la pratique, ils vont faire disparaître la race du 'gallus gallus'. Car s’il n’y a plus de combat, qui va s’amuser à élever des coqs ?" soupire-t-il.

Un loisir populaire en voie de disparition

À ce jour, ce coq de combat, aussi réputé dans l’arène qu’en sauce au vin, demeure. Mais dans les faits, la tradition est déjà déclinante, ce qui a été relevé par le Conseil constitutionnel. Les Sages ont souligné que "le législateur a entendu encadrer plus strictement l'exclusion de responsabilité pénale pour les combats de coqs afin d'accompagner et de favoriser l'extinction de ces pratiques".

En 2013, la Fédération des coqueleux du nord de la France revendiquait quelque 2 000 licenciés, loin des 100 000 personnes qui avaient pris leur carte en 1963 pour soutenir la pratique alors qu’une nouvelle loi, plus restrictive que la précédente, entrait en application. Les jeunes générations ne s'intéressent guère plus à ce loisir populaire. "Les jeunes ne sont plus intéressés par les combats de coqs, ils préfèrent l’Internet et les clubs de nuit. La moyenne d’âge dans les gallodromes, c’est 60-70 ans", regrette Jean-Louis Hoyez, président de Club français des combattants du Nord. Il prend donc la décision du Conseil constitutionnel avec fatalisme : "La polémique ne fait aucun sens : quand un gallodrome ferme, il n’y a déjà plus de repreneur".