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Six leçons à méditer pour que la crise grecque serve à quelque chose

Le pire a semble-t-il été évité avec le compromis arraché ce lundi matin. Pour qu’il ne s’agisse pas d’un énième compromis boiteux, autant essayer de retenir quelques leçons de ce nouveau psychodrame qui a failli être fatal à l’euro.

Première leçon : la crise n’est pas terminée

L’accord trouvé in extremis ce lundi matin est destiné à éviter une panique sur les marchés à la perspective d’un "Grexit" [sortie de la Grèce de la zone euro] ouvertement envisagé (souhaité?) par le gouvernement allemand. Mais c’est un accord a minima qui vise à l’ouverture de nouvelles négociations pour un nouveau plan d’aide d’un peu plus de 80 milliards d’euros à une Grèce, complètement asphyxiée. Il doit être soumis à un certain nombre de votes de parlements nationaux, en Grèce, mais aussi dans des pays qui voudraient bien la pousser dehors.

Deuxième leçon : la Grèce et la zone euro, unies pour le meilleur et pour le pire

Pas de divorce possible entre la Grèce et la zone euro. La ligne qui l’a péniblement emporté est celle de ceux qui estiment que la sortie d’un pays de la zone serait non seulement définitive mais pourrait irrémédiablement signaler que l’Euro est une construction précaire et que dans l’avenir un pays qui connaîtrait des difficultés ou qui ne parviendrait pas à faire accepter des mesures d’austérité à sa population suivrait le même chemin. Tout l’édifice bâti depuis le traité de Maastricht pouvait s’écrouler comme un château de cartes.

Troisième leçon : cette crise n’est pas seulement celle de la Grèce

Cette crise est aussi celle de la monnaie européenne. Sans gouvernement économique et de nouveaux abandons de souveraineté, notamment en matière fiscale, l’euro restera fragile. Sans union économique, pas d’union monétaire possible. Il faut espérer que cette fois-ci les Européens se décideront à passer à une nouvelle étape vers une Europe plus fédérale. Cet accord sera peut-être un énième rafistolage. Mais si la Grèce devait se retrouver dans la même situation dans six mois ou dans un an, il y a fort à parier que l’euro n’y survivrait pas.

Quatrième leçon :
Alexis Tsipras et Syriza vont devoir payer l’addition

Grâce au travail du gouvernement conservateur d’Antonis Samaras, la Grèce était revenue à un équilibre budgétaire primaire (avant service de la dette). Tsipras a fait croire à des Grecs rincés par l’austérité que le temps des largesses était revenu en laissant repartir les dépenses publiques à la hausse, comme si le pays n’était pas endetté jusqu’au cou ! Puis qu’avec un « Non » Grec lors du référendum, les 18 autres pays de la zone euro allaient s’incliner devant la grande démocratie grecque. C’était oublier que ce sont aussi des démocraties. Après cette dernière cartouche mouillée, Tsipras était confronté à la faillite inéluctable de son pays. Il a dû céder dans cette partie de bras de fer face à plus fort que lui et va maintenant devoir répondre de ces zigzags devant son peuple. Pas sûr que cela se passe sans heurt.

Cinquième leçon : la France moteur politique

Pratiquement seule, la France avait décidé de maintenir à tout prix (mais pas sans infléchissement du gouvernement grec) la Grèce dans la zone euro. Comme souvent, elle avait le raisonnement économique contre elle, mais le raisonnement politique pour elle. Et comme à chaque grand moment, elle a finalement réussi à amener l’Allemagne à admettre ses arguments : dans un premier temps, il fallait donner un signe de la volonté politique des Européens de maintenir leur union monétaire. Le deuxième temps, celui de la mise en cohérence économique pourrait venir ensuite. Même s’il est urgent de s’y mettre (voir leçon 3)

Sixième leçon :
il n’y a pas de "Club Med" en Europe.

Cette idée selon laquelle l’Italie, l’Espagne, ou encore la France défendrait un modèle de gouvernance impécunieux a vécu. Paris a défendu un idéal politique. Rome et Madrid ont été aussi sévère que Berlin envers les atermoiements d’Athènes. Les Espagnols et les Italiens qui ont fait beaucoup de sacrifices n’auraient pas compris un traitement de faveur pour la Grèce que d’ailleurs personne n’était prêt à lui accorder. Il n’était pas question d’encourager les mouvements populistes type Podemos dont Tsipras était devenu le héros. Ce n’est que lorsque qu’il est apparu qu’un certain nombre de pays du nord, derrière l’Allemagne cherchaient à faire un exemple avec la Grèce qu’ils se sont rapprochés de la position française. Ils ont seulement cherché à sauver l’euro comme construction irréversible, de peur qu’un jour ou l’autre on ne leur montre à eux aussi la sortie. Tout en signifiant aux Grecs qu’ils n’accepteraient pas un nouveau tonneau des Danaïdes.