
L'armée syrienne tente de reprendre la ville de Zabadani. Si elle l'emporte, sa victoire serait certes stratégique mais surtout symbolique et bienvenue pour une armée qui n'a connu que des défaites depuis des mois.
Le régime syrien veut reprendre la ville de Zabadani. Autrefois lieu de villégiature prisé de la bourgeoisie damascène, cette petite ville située à une trentaine de kilomètres de Damas, sur les hauteurs, est l’une des premières à avoir été prise par la rébellion, en février 2012.
Depuis lors, l’armée syrienne assiégeait la cité, située non loin de la frontière libanaise et en tenait certains quartiers périphériques. Une sorte de statu quo s’était établi : les rebelles, isolés dans cette zone gouvernementale, n’avaient pas les moyens de lancer d’attaques, et le régime ne tentait pas de reprendre la localité. Mais depuis maintenant plus d’un mois, celui-ci semble vouloir reprendre le contrôle de toute la ville.
Une victoire est nécessaire pour le régime syrien
Pourquoi maintenant ? Selon Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditérannée et le Moyen-Orient (Gremmo), le régime a besoin d'une victoire. À l’heure actuelle, tout succès serait le bienvenu pour l’armée syrienne, tant les défaites pleuvent sur elle. Au bout de quatre années de conflit sanguinaire, les troupes sont épuisées et le régime peine à attirer de nouvelles recrues, même au sein de la communauté alaouite dont sont issus les Assad. Des difficultés que la rébellion ne connaît pas.
En février dernier, le régime syrien a tenté une vaste opération dans le nord du pays pour couper la route d’approvisionnement des rebelles à Alep et tenter de progresser dans la ville, mais ce fut un échec cuisant et le début d’une série de revers sans précédent à travers le pays. Le 25 mars, le régime de Bachar al-Assad perdait la ville antique de Bosra al-Cham, dans le Sud. Puis le 28 mars, le Front al-Nosra et ses alliés rebelles s’emparaient d’Idleb, dans le Nord-Ouest, faisant perdre au régime sa deuxième capitale provinciale après la ville de Raqqa, fief de l'organsation de l'État islamique (EI). Quelques jours après, le dernier point de passage qu’il contrôlait avec la Jordanie lui échappait également. S’en sont suivies dans le nord les pertes de Jisr al-Choghour le 25 avril dernier puis celle d'Ariha le 29 mai, et enfin la prise de Palmyre par l’EI.
De quoi faire douter les soutiens du régime de sa capacité à se maintenir. "L’armée syrienne va tenter de remporter des petites victoires symboliques pour remonter le moral des troupes. Et pour cela, Zabadani est tout indiquée : la ville sera facile à prendre pour l’armée syrienne, les rebelles y sont isolés et ne pourront avoir de soutien", explique Fabrice Balanche.
Préserver la "Syrie essentielle"
Toutefois, selon le chercheur, l’initiative est également importante sur le plan stratégique : le régime poursuit son plan d’élimination des poches rebelles dans la zone gouvernementale. Zabadani est proche du Qalamoun, montagne non loin de la frontière libanaise et bastion des rebelles que le régime tente de reprendre avec l’aide du Hezbollah libanais. La ville est en effet un point stratégique puisqu’elle surplombe l’autoroute Damas-Beyrouth, mais également l’axe Damas-Homs, hautement stratégique.
"Avant la guerre, la région de Zabadani était connue pour être le lieu d’échange et de contrebande en tout genre avec le Liban voisin, à la faveur de la porosité de la frontière", rappelle le chercheur. "Avec le conflit, elle est devenue un lieu de passage pour les rebelles qui ont une base arrière juste de l’autre côté de la frontière. Il est donc tout à fait naturel que le régime cherche à sécuriser ce qu’il appelle désormais la 'Syrie essentielle'".
Par ce terme, le régime désigne ce qu’il considère comme le pays utile, un axe stratégique médian reliant Damas au littoral, fief de la communauté alaouite, en passant par Homs et Hama, qu’il s’est employé à sécuriser parcelle après parcelle depuis 2012. Mais ce n’est qu’en avril dernier que le terme de "Syrie essentielle" a fait son apparition dans la bouche même des autorités. Alors qu’officiellement l’armée syrienne tente de reprendre les villes perdues, faut-il y voir l’aveu qu’il serait prêt à abandonner le reste du pays ? Pas totalement selon Fabrice Balanche. "D’un point de vue militaire c’est plus une manière de minimiser les pertes, une façon de dire : oui nous avons perdu ces villes mais elles ne sont pas essentielles à notre survie", observe-t-il.
Plus que jamais, le régime semble devoir se résoudre à se contenter de cette zone médiane. Au nord, les factions islamistes menées par Al-Nosra et les rebelles ont lancé l’assaut, vendredi 3 juillet, pour s’emparer de la totalité d'Alep. Une bataille qui semble mal engagée pour les soldats syriens. Mais alors que l’Iran et le Hezbollah, indéfectibles alliés de Damas, souhaiteraient le voir se désengager de cette ville, Assad s’accroche, au risque d’épuiser ses troupes. "Le régime ne quittera Alep que contraint et forcé, ne serait-ce que pour ne pas envoyer de message négatifs à ses soutiens à travers le pays", explique Fabrice Balanche. Dans le Sud, des combats très importants autour de Deraa le force à renforcer la protection de Damas, enfin à l’Est la présence de l’EI à Palmyre menace directement Homs. Plus que jamais, la stratégie de protection de la 'Syrie essentielle' semble vitale à la survie du régime.