François Hollande a dénoncé "des faits inacceptables" à l'issue du Conseil de défense, convoqué mercredi, au lendemain des révélations selon lesquelles les trois derniers présidents français ont été espionnés par les États-Unis.
Branle-bas de combat à l’Élysée. À l'issue du Conseil de défense, réuni mercredi 24 juin, après la publication de documents WikiLeaks par Mediapart et "Libération", l'Élysée a affirmé que la France ne tolèrerait "aucun agissement mettant en cause sa sécurité".
"Il s'agit de faits inacceptables qui ont déjà donné lieu à des mises au point entre les États-Unis et la France, notamment fin 2013 au moment des premières révélations", rappelle le communiqué de la présidence, après le conseil de défense d'une heure qui a réuni le chef du gouvernement Manuel Valls, les ministres concernés et les principaux responsables des services de renseignements français.
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Un ton ferme pour la France, qui a été convoqué dans la foulée l'ambassadrice des États-Unis au ministère des Affaires étrangères. Par ailleurs, le coordinateur du renseignement français, Didier Le Bret, verra dans les prochains jours des responsables américains "pour faire le point sur l'ensemble des dispositions qui avaient été actées entre la France et les Etats-Unis", a indiqué Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement.
De son côté, Washington s'efforce de calmer le jeu. Le porte-parole du Conseil de sécurité américain, Ned Price, a en effet assuré que les États-Unis n’écoutaient pas les communications de François Hollande. "Nous ne ciblons pas et nous ne ciblerons pas les communications du président Hollande", a indiqué le responsable américain à l'AFP, sans d'autres précisions sur les opérations qui ont pu être menées dans le passé.
L’un des documents révélés par WikiLeaks est pourtant daté du 22 mai 2012, quelques jours après l’entrée en fonction de François Hollande. On y apprend que le chef de l’État discute de réunions secrètes, y compris avec l’opposition allemande, sur le sujet sensible de la Grèce et de la crise de la zone euro.
Les grandes oreilles américaines au cœur de Paris
La première tâche du Conseil de défense est de déterminer dans quelles conditions les grandes oreilles américaines ont pu mener ces interceptions et d’estimer l’étendue de la brèche sécuritaire.
L’intitulé des rapports divulgués, "Global SIGNINT Highlights", suggère des renseignements obtenus par des interceptions électromagnétiques. L’un des documents consiste précisément en un extrait de base de données sur lequel on retrouve le numéro de téléphone portable du chef de l’État, ainsi que des dizaines de numéros allant des conseillers l’Élysée aux responsables de la flotte présidentielle, en passant par le standard de certains ministères.
Ces lignes non sécurisées peuvent être potentiellement écoutées par un dispositif d’interception installé dans l’ambassade américaine à Paris, qui se trouve à quelques centaines de mètres de l’Élysée, des principaux ministères régaliens, et de l’Assemblée nationale. Selon le blogueur Zone d’Intérêt, cité par les journaux "Le Monde" et "Libération", une station d’espionnage du Special Collection Service (SCS) a été mise en place entre 2004 et 2005 sur le toit de l’ambassade américaine. Cette station d’écoute, recouverte de fenêtres en trompe-l’œil pour plus de discrétion, est depuis longtemps connue des services français.
Les communications chiffrées dans le viseur de la NSA ?
Contacté par Mediapart, l’ancien sherpa diplomatique de Nicolas Sarkory, Jean-David Levitte, ne s'est d'ailleurs pas déclaré "surpris" par les révélations de WikiLeaks. "Quand j'ai été ambassadeur à l'ONU, puis à Washington, puis dans mes fonctions à l'Élysée, aussi bien auprès de Jacques Chirac que de Nicolas Sarkozy, je suis toujours parti du principe que j'étais écouté. Cela va avec la fonction... Une fois qu'on a intégré cela, on adapte ses pratiques", a déclaré le diplomate.
Les sujets diplomatiques ou économiques les plus sensibles doivent en théorie être abordés uniquement lors de télécommunications chiffrées, sur des terminaux sécurisés. "Le Monde" rappelle ainsi que le gouvernement français a commandé en janvier 2010 plusieurs milliers d’exemplaires du Teorem, un téléphone ultrasécurisé fabriqué par Thalès. Les documents divulgués mardi soir ne permettent pas d'affirmer si la NSA a réussi à intercepter des conversations tenues sur ces lignes sécurisées.
WikiLeaks a cependant annoncé de nouvelles révélations dans les jours qui viennent – de quoi occuper les responsables du renseignement français chargés de veiller à l’inviolabilité des télécommunications chiffrées.
Avec AFP