La Fédération française de basket a lancé cette semaine un projet de partenariats pour développer le basket dans une dizaine de pays africains. Une initiative qui suscite beaucoup d’intérêt, notamment au plus haut niveau de l’État.
La philanthropie est en vogue dans le sport de haut niveau et le basket français ne compte pas être en reste. Le président de la Fédération française de basket (FFBB), Jean-Pierre Siutat, a en effet annoncé, mardi 9 juin, la signature de conventions entre la FFBB et 10 pays d’Afrique – Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Maroc, Rwanda, Sénégal, Tunisie – pour développer le basket sur le continent africain.
Il ne s’agira pas d’envoyer de l’argent, mais plutôt d’aider les fédérations de basket de ces pays à se structurer et à s’organiser. Concrètement, le rôle de la FFBB sera d’aider à mettre en place des équipements, mais aussi et surtout, d’envoyer des ressources humaines sur le terrain pour permettre aux dirigeants, aux entraîneurs, aux arbitres et aux joueurs de se former sur place.
"Il y a énormément de talents dans ces pays, mais c’est un continent qui est pillé, de temps en temps de façon scandaleuse, explique Jean-Pierre Siutat pour justifier sa démarche. Les jeunes joueurs ne sont pas licenciés et ne sont donc pas protégés. Et à terme, ils ne représentent plus leur pays. Je souhaite au contraire que les joueurs soient licenciés dans leur pays, jouent pour leur pays et que leur éventuel départ soit régulé par la Fédération internationale."
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Le modèle présenté par le président de la FFBB pourrait faire penser à la "Casa España" initiée par la Fédération espagnole pour développer le basket au Sénégal, mais Jean-Pierre Siutat réfute en bloc la comparaison.
"Je vais à l’opposé de ce qui s’est passé en Espagne, affirme-t-il. La Fédération espagnole a réussi, grâce à des fondations, à financer des projets structurels. Mais derrière cette ‘casa’ du basket, il y a une volonté d’absorber des jeunes. C’est quelque chose que je ne veux pas. On n’a pas besoin d’aller les piller, on a besoin de les aider. Et d’ailleurs, les pays avec lesquels nous avons signé une convention ne sont pas tous des pays de basket ou bien des pays où l’on trouve de grands gabarits. C’est même loin d’être le cas pour des nations comme la Guinée équatoriale. Notre démarche est purement généreuse."
La FFBB reçue à l’Élysée par la conseillère Afrique de François Hollande
Philanthropie et sport professionnel, voilà deux concepts qui n’ont pas toujours eu l’habitude de coexister. Mais les mentalités évoluent. "Les actions caritatives sont de plus en plus recherchées par les clubs ou les institutions du sport de haut niveau, estime David Justet, associé au projet FFBB-Afrique via le Club des fondations qu’il préside. Je travaille également avec le PSG et la Fédération française de tennis, par exemple. Des soirées durant lesquelles des champions viennent témoigner, ça casse un peu le côté business et ça donne du sport une autre image."
Les basketteurs français l’ont très bien compris et n’ont pas attendu leur fédération pour développer des projets personnels. Tony Parker organise depuis près d’une dizaine d’années le "Par Cœur Gala", une soirée qui a pour but de récolter des fonds à destination d’associations caritatives comme "Make-A-Wish", dont la star française est l’ambassadeur dans l’Hexagone. Le capitaine de l’équipe de France, Boris Diaw, est lui impliqué au Sénégal depuis 2005 avec sa fondation Babac’Ards. Et Nicolas Batum, autre joueur français évoluant en NBA, aide sa mère qui a créé en 2011 la fondation Batum Mama, dont la mission est d’aider les mères de famille en Afrique et leurs enfants en leur fournissant des services médicaux.
"Les fondations en France engagent chaque année sept milliards d’euros dans l’art, la culture, l’environnement, l’éducation, le sport, poursuit David Justet. C’est colossal, c’est une économie à part entière. Donc quand j’ai appris ce que faisait la FFBB, j’ai sollicité le président Siutat pour l’aider, notamment en organisant une soirée de gala cet été qui rendrait visible son action. Cette initiative suscite beaucoup d’intérêt."
Et pour cause, la fondation AfricaFrance, créée à la suite du sommet franco-africain de décembre 2013 pour relancer les échanges commerciaux entre les pays africains et la France, s’est également impliquée auprès de la FFBB. "C’est plutôt compliqué dans le contexte actuel d’avoir des partenariats comme celui-là, alors le fait que ce soit une proposition, c’est encore plus rare, reconnaît Jimmy Adjovi-Boco, en charge du 'Cluster Sport' chez AfricaFrance. C’est un projet extrêmement intéressant car il va permettre de créer des liens entre l’Afrique et la France. Et puis le sport en général et le basket en particulier peuvent être de vrais leviers de développement économiques et sociaux, ainsi qu’un vrai moteur de mobilisation de la jeunesse."
Mais la reconnaissance la plus forte pour les dirigeants de la FFBB est sans doute le fait d’avoir pu être reçus à l’Élysée par Hélène Le Gal, la conseillère Afrique de François Hollande. Cette dernière voit également d’un très bon œil le projet entrepris par Jean-Pierre Siutat, à tel point que des invitations officielles seront envoyées par François Hollande aux chefs d’État des 10 pays africains concernés pour la soirée de gala prévue le 22 juillet à Paris. Celle-ci se déroulera en présence des joueurs de l’équipe de France, du secrétaire d’État aux Sports, Thierry Braillard, et de ses 10 homologues africains. Dans un continent où le football reste le sport-roi, le basket pourrait bien s'installer comme le sport numéro 2 en Afrique.