![Un journaliste québécois épinglé pour des reportages bidons Un journaliste québécois épinglé pour des reportages bidons](/data/posts/2022/07/20/1658311652_Un-journaliste-quebecois-epingle-pour-des-reportages-bidons.jpg)
Un journaliste canadien, collaborateurs de plusieurs médias au Québec, est accusé d'avoir inventé plusieurs reportages. "Spécialisé" dans l'actualité internationale, il a depuis été suspendu de toutes ses fonctions.
Le monde du journalisme est en émoi au Québec. Une enquête du journal "La Presse" publiée samedi 23 mai a mis à mal la carrière de François Bugingo, l’un des reporters vedette de cette province canadienne en affirmant qu’il avait inventé "de toutes pièces" des reportages. Collaborateur pour plusieurs médias, il a depuis été suspendu de toutes ses fonctions à la télévision, à la radio ou encore dans la presse écrite.
"Il n’a jamais mis les pieds à Misrata"
Cet article du quotidien montréalais met en doute plusieurs reportages réalisés au cours des vingt dernières années par François Bugingo – originaire de la République démocratique du Congo –, notamment durant la guerre de Bosnie, en Somalie ou plus récemment en Libye. "Le problème, c'est que François Bugingo n'a jamais mis les pieds à Misrata. Il n'a jamais vu un tortionnaire du régime Kadhafi sur le point de se faire exécuter par des milices rebelles en Libye. Il n'a pas davantage trinqué avec les tireurs d'élite serbes de Sarajevo en 1993", peut-on lire dans les pages de "La Presse".
La journaliste Isabelle Hachey a décidé de fouiller dans le passé de son confrère, après avoir lu en février une chronique de François Bugingo sur sa rencontre avec le second fils de Mouammar Kadhafi, Seïf al-Islam dans une prison libyenne à Zintan. Comme elle l’a découvert par la suite, cet entretien tient plus de la fable que de la réalité : "Contrairement à ce qu'a écrit François Bugingo, il n'est pas en prison; par mesure de sécurité, ses geôliers le déplacent régulièrement d'une maison privée à l'autre. De plus, aucun média étranger n'a réussi à obtenir une interview avec lui".
Selon elle, le journaliste prétend aussi n’être resté que deux jours en Libye tout en se rendant à la fois à Tripoli, à Benghazi et à la prison de Zintan, dans le nord-ouest du pays : "Nous avons fait le calcu l: de la frontière égyptienne à Zintan, en passant par Benghazi, il y a 1 790 kilomètres. En voiture, il faut compter 44 heures de route pour faire l'aller-retour (sans passer par Benghazi au retour), soit 3 340 kilomètres. Autrement dit, le journaliste aurait passé la quasi-totalité de son voyage de deux jours sur la route".
Se retirer "de l’espace public pour préparer sa réponse"
Face à ces allégations, François Bugingo, qui a aussi exercé par le passé les fonctions de vice-président de la section Monde de Reporters sans Frontières, a publié un message sur son compte Facebook dans lequel il se défend de toutes malhonnêtetés journalistiques. "Je suis sidéré par cette attaque, et je suis désolé que mes employeurs actuels y soient mêlés malgré eux. Depuis deux ans que vous me suivez quotidiennement à la radio, à la télé, dans le journal et sur les plateformes numériques, vous savez bien que l’information que je vous partage est toujours vérifiée, solide et respectueuse de votre attention", a-t-il écrit. Par la voix de son avocate, il a également annoncé qu’il se retirait "de l’espace public pour préparer sa réponse".
A la suite de ces révélations, les principaux employeurs de François Bugingo ont fait part de leur surprise. La direction de la chaîne de télévision TVA Nouvelles, pour laquelle le journaliste participe aux bulletins télévisés sur l’actualité internationale, a réagi par un communiqué : "Notre collaboration avec M. Bugingo est suspendue jusqu'à ce que des vérifications soient faites. Il faut aussi préciser que M. Bugingo est un de nos collaborateurs et non un employé du Groupe Média". La radio 98,5FM, l’une des plus populaires au Québec a elle suspendu sa chronique quotidienne "le temps de faire la lumière sur ces événements". Les deux journaux du groupe Québécor, pour lequel le reporter était pigiste, ont aussi annoncé la même décision.
Cette affaire n’est pas la première à éclater au grand jour. Le journal "La Presse" a établi la liste des "fraudes médiatiques". On y retrouve notamment le Français Patrick Poivre d’Arvor qui avait présenté pour le JT de 20h de TF1 en 1991 un entretien soi disant exclusif avec le dirigeant cubain Fidel Castro, alors qu’il s’agissait d’une conférence de presse. Plus récemment, en 2003, le journaliste Jayson Blair du "New York Times" avait démissionné quand sa hiérarchie avait découvert "qu’il avait plagié et inventé des dizaines d'articles au cours de sa carrière".