Plus de 27 ans après l'assassinat de l'ex-président Thomas Sankara lors d'un putsch ayant porté Blaise Compaoré au pouvoir, sa veuve Mariam a été entendue par la justice burkinabè. L'enquête, longtemps gelée sous l'ancien régime, a démarré en mars.
Moins d’une semaine après son retour au Burkina Faso, Mariam Sankara, la veuve du président Sankara assassiné en 1987 lors du putsch qui porta au pouvoir le président Blaise Compaoré, a été entendue lundi 18 mai par le juge d’instruction militaire chargé de l’enquête.
"Ça a été long mais je pense que cela valait la peine. (Le juge d'instruction) est revenu sur ma plainte. Il avait beaucoup de questions, mais je ne peux pas vous en dire plus", a-t-elle déclaré après son entretien devant la presse.
Mariam Sankara, qui n’était revenue auparavant au Burkina Faso qu’en 2007 pour les 20 ans de la mort de son mari, est ressortie après un peu moins de huit heures d’audition. "Elle a confirmé la plainte contre X qu'elle a déposée depuis 1997 et qui n'a jamais eu de suite", a déclaré à l'AFP Me Bénéwendé Stanislas Sankara, l'un des quatre avocats l'entourant, qui a indiqué avoir eu "la chair de poule" en écoutant sa cliente.
"On est serein dans les réponses, les questionnements pour la recherche de la vérité", s'est félicité Me Sankara, qui n’a aucun lien de parenté avec l’ancien chef de l’État. Les infractions d'"attentat, faux en écriture, assassinat, recel de cadavre" ont notamment été retenues dans ce dossier politiquement sensible au Burkina Faso, a-t-il précisé.
Cet avocat a été désigné dimanche dernier candidat pour la présidentielle d'octobre des "sankaristes", un courant politique se réclamant des idéaux de Thomas Sankara. Deux fois candidat malheureux aux présidentielles de 2005 et 2010 face à l'ex-chef de l'État Blaise Compaoré, renversé fin octobre par une insurrection populaire après 27 ans de règne, il a été longtemps été qualifié d'"avocat des causes perdues" au Burkina.
Une exhumation du corps
Suite à la chute de Blaise Compaoré qui avait toujours refusé l’ouverture d’une enquête, la justice du pays a enfin démarré fin mars une procédure pour connaître les circonstances de la mort de Thomas Sankara. Plusieurs auditions ont déjà eu lieu dans le cadre ces six dernières semaines, dont celles de Valentin et Blandine Sankara, le frère aîné et la sœur cadette de l'ancien président.
La figure de Thomas Sankara, révolutionnaire loué pour son intégrité et icône du panafricanisme, a été abondamment évoquée durant le récent soulèvement populaire. Vingt-sept ans après sa mort, de nombreux Burkinabè doutent ainsi que la dépouille reposant dans sa tombe soit vraiment la sienne.
Sa famille avait saisi la Cour africaine des droits de l'homme, qui avait ordonné en 2008 au gouvernement du Burkina Faso d'autoriser les expertises nécessaires, mais sans succès. Selon l'AFP, un expert français de la Cour d'appel de Bordeaux se rendra la semaine prochaine à Ouagadougou pour l'exhumation du corps de l'ex- président et de ses douze compagnons tués lors du Coup d'État afin de procéder à des analyses ADN.
Avec AFP