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Repeupler Detroit grâce aux réfugiés syriens : idée de génie ou utopie ?

Dans un édito publié vendredi par le "New York Times", deux chercheurs américains proposent d’accueillir des réfugiés syriens à Detroit. Évitant le simple penchant philanthropique, les universitaires étayent leur idée d’arguments économiques.

Detroit, principale ville de l’État du Michigan, faisait la une des journaux le 18 juillet 2013. L’effondrement de General Motors, Ford et Chrysler, les trois principales entreprises de la métropole, avait précipité sa ruine financière et la ville s'était déclarée en cessation de paiement. Un petit peu plus d’un an et demi plus tard, la situation économique de la ville s’améliore lentement. La justice américain a validé en novembre 2014 le plan de relance de la ville et accepté de renégocier sa dette abyssale de près de 18 milliards de dollars (plus de 14 milliards d’euros).

>> À voir sur France 24 : "Infographie : Detroit, une ville à genoux"

La situation démographique, elle, continue pourtant à se dégrader. La population actuelle de Detroit compte environ 700 000 personnes, contre "près de 1,9 million en 1950", soit 1,2 million d'habitants de moins.

Un vide que pourrait venir combler facilement les 1,8 million de réfugiés syriens ayant fui en Turquie et les 600 000 qui ont trouvé refuge en Jordanie. "Supposons que ces deux désastres sociaux et humanitaires fusionnent pour créer quelque chose de positif", avancent David D. Laitin, professeur de sciences politiques et co-directeur du laboratoire de politique migratoire et d’intégration de l’université de Stanford, et Mark Jahr, ancien président de la société de développement du logement de New York, dans leur édito publié vendredi 14 mai dans le "New York Times" intitulé "Let Syrians settle Detroit" (Laissez les Syriens s’installer à Detroit).

L'idée d'offrir à une ville qui manque d'habitants 50 000 réfugiés en quête d'un endroit où vivre est pleine de bon sens en apparence. Mais aussi généreuse et utopique soit-elle, son application se heurterait à bien des difficultés bureaucratiques et politiques.

L’accueil de 50 000 Syriens à Detroit, comme le préconise les deux chercheurs, nécessiterait d’abord d’élever le nombre annuel de réfugiés pouvant être accueillis aux États-Unis. Selon les chercheurs, le département d’État devrait ouvrir dans les camps de réfugiés en Turquie et en Jordanie des bureaux qui traiteraient les dossiers des Syriens désirant s’installer aux États-Unis et détermineraient s’ils sont éligibles à cette opportunité.

Une idée folle ?

"Notre proposition, hélas, ne va pas se mettre en place toute seule", a expliqué David Laitin à France 24. "Elle nécessiterait une coordination des agences et du gouvernement à plusieurs niveaux. Elle nécessiterait un soutien local. Et elle nécessiterait une allocation extraordinaire du budget. Si la difficulté de coordination entre les différents niveaux de décision rend cette idée 'folle', alors je devrais admettre qu’elle l’est", philosophe-t-il.

Le gouverneur républicain du Michigan, Rick Snyder, avait déjà eu cette idée auparavant. Les auteurs de l’édito du "New York Times" rappellent qu’en janvier 2014, il avait réclamé l’accueil de 50 000 immigrés afin qu’ils participent au plan de relance de la ville. Un argument qui permet au chercheur de défendre la faisabilité de son projet.

"Je pense que le gouverneur du Michigan, le maire de Detroit et le président des États-Unis ont, à eux trois, le pouvoir de rassembler les parties intéressées, de façon à ce que la coordination nécessaire soit effective", soutient David Laitin.

Par ailleurs, en plaidant en faveur de l’accueil de Syriens, les deux universitaires soulignent que la municipalité de Detroit compte déjà une communauté arabo-américaine "dynamique et prospère", dont le succès a été démontré "par une équipe de l’université du Michigan".

Un "melting pot" de communautés

Dans leur texte, les deux chercheurs ont tenté d’anticiper les arguments que leur opposeront leurs détracteurs. En premier lieu sur les possibilités d’assimilation de cette population : 50 000 Syriens pourront-ils s’intégrer parmi la population ? David D. Laitin et Mark Jahr avancent que Detroit est depuis toujours un "melting pot" de communautés et donnent l’exemple de l’élection, en 2013, du premier maire blanc de la ville depuis 40 ans alors que la majorité de la population est noire.

"Les Syriens les plus ambitieux ne vont-ils pas quitter la ville après avoir acquis une certaine sécurité financière ?" Les chercheurs comptent sur le fait que Detroit compterait, après leur installation, la plus grande communauté arabo-américaine des États-Unis, une incitation à rester dans la région selon eux.

"Les bénéfices qu’en tireront Detroit, les Syriens et les idéaux américains" valent-ils tous ces efforts financiers et administratifs ? "Nous le pensons", concluent les deux chercheurs.