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"Charlie Hebdo" : la menace de licenciement de Zineb El Rhazoui ravive les tensions

La journaliste de "Charlie Hebdo" Zineb El Rhazoui a été convoquée par la direction à un entretien préalable à un "licenciement pour faute grave". Le but ne serait que de la "rappeler à ses obligations minimales vis-à-vis de son employeur".

Zineb El Rhazoui, journaliste à "Charlie Hebdo", a été convoquée par la direction à un entretien préalable à un licenciement. "Nous sommes contraints d’envisager votre licenciement pour faute grave", précise la lettre, datée du 13 mai, reçue par la journaliste et qu’a pu se procurer France info.

Dans une interview au "Monde" publiée le lendemain, la journaliste affirme ne pas comprendre le motif de cette décision. "Je suis choquée et scandalisée qu’une direction qui a bénéficié d’autant de soutien après les attentats de janvier fasse preuve d’aussi peu de soutien envers un de ses salariés, qui est sous pression comme tous dans l’équipe et fait l’objet de menaces", déclare-t-elle au quotidien du soir.

Recrutée par "Charlie Hebdo" en 2011, cette sociologue des religions a régulièrement pris position contre l’islamisme et l’intégrisme religieux. Par ailleurs, scénariste de l'album "La Vie de Mahomet", dessiné par Charb et publié en décembre 2012, elle vit depuis sous protection renforcée, à Paris.

"Mon mari a perdu son emploi car des jihadistes ont dévoilé son lieu de travail. Il a dû quitter le Maroc, je suis menacée, je vis dans des chambres d’amis ou à l’hôtel, et la direction envisage de me licencier... Bravo Charlie", ironise la journaliste franco-marocaine dans les colonnes du "Monde".

À la suite de l’annonce de son possible licenciement, plusieurs journalistes de "Charlie Hebdo" ont protesté contre cette décision. Patrick Pelloux, chroniqueur pour l’hebdomadaire, a notamment dénoncé un acte "méchant et déloyal".

"Recevoir des prix pour la liberté d’expression [le 5 mai, la rédaction de "Charlie Hebdo" a reçu à New York le Prix Courage et Liberté d’expression de l’association mondiale d’écrivains PEN, NDLR] et convoquer des journalistes menacés, c’est paradoxal, avance-t-il. Et on n’a pas d’explication alors que journal se veut alternatif et socialement irréprochable..."

La direction de "Charlie Hebdo" n’a pas souhaité s’exprimer sur sa décision.

Que doit devenir "Charlie" ?

La menace de licenciement de Zineb El Rhazoui intervient dans un contexte de fortes tensions entre la direction et les salariés de "Charlie Hebdo". Le 31 mars, quinze membres de la rédaction avaient publié dans "Le Monde" une tribune intitulée "Pour la refondation de 'Charlie Hebdo'", dans laquelle ils dénonçaient leur mise à l’écart des discussions sur l’avenir du journal.

Partant du principe que l'hebdomadaire était devenu un "bien commun", tant la solidarité et le soutien qui lui ont été apportés ont été forts à la suite des attentats de janvier, les salariés réclamaient une transformation de son modèle de gestion. "En recourant à une forme de société coopérative, dont nous discutions en interne depuis des années, et qui se situe dans la droite ligne de l’économie sociale et solidaire que 'Charlie' prône depuis toujours ; le journal doit abandonner le statut d’entreprise commerciale", expliquaient les quinze signataires.

Ils réclamaient également que l’argent recueilli par "Charlie Hebdo" à la suite des attentats (près de 30 millions d’euros en dons et ventes, NDLR) soit bloqué, afin qu’il serve "à garantir la pérennité du titre à dix, vingt ou trente ans, en en affectant les fruits à la consolidation du titre, à l’apuration de ses dettes, à son développement et à sa nécessaire modernisation".

>> À lire sur France 24 : "La rédaction de 'Charlie Hebdo' divisée sur la répartition de 30 millions d'euros"

"Je pense que ce dont je fais l’objet aujourd’hui est clairement une mesure punitive", a déclaré Zineb El Rhazoui à France Info, estimant que sa mise à pied avait un lien avec cette tribune. 

Le capital du journal est actuellement partagé entre Éric Portheault, directeur financier du journal (20 % du capital), Riss, le directeur de la publication (40 %) et les parents de Stéphane Charbonnier, l’ancien directeur du journal (40 %).

Avec AFP