
Malgré le vote de la société des rédacteurs du "Monde", les actionnaires du journal ont décidé jeudi de maintenir la candidature de Jérôme Fenoglio au poste de directeur.
Nouveau retournement à la rédaction du journal "Le Monde". Jeudi 14 mai, les trois actionnaires du groupe, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, ont publié un communiqué annonçant le maintien de la candidature de Jérôme Fenoglio au poste de directeur du quotidien et demandant à la rédaction de "considérer à nouveau" ses qualités.
"Les actionnaires invitent la société des rédacteurs du Monde (SRM) à examiner les enjeux qui se posent aujourd'hui aux groupes de presse et à considérer à nouveau les qualités de Jérome Fenoglio, de son équipe et de son projet éditorial" indique le texte.
La candidature de Jérôme Fenoglio n'avait recueilli que 55 % des voix de la rédaction mercredi, un résultat insuffisant selon les statuts du journal, qui imposent de remporter l'adhésion de 60 % des votants pour devenir directeur.
Démission de Gilles van Kote
Le vote de mercredi a par ailleurs déclenché jeudi la démission du directeur par interim Gilles van Kote. "La décision" des actionnaires du journal "de ne pas retenir ma candidature au poste de directeur, puis le vote de la Société des rédacteurs du Monde mercredi qui a conduit au rejet de la candidature de Jérôme Fenoglio, que je soutenais, me conduisent (...) à démissionner de ma fonction de directeur du journal, membre du directoire du groupe Le Monde" a ainsi écrit Gilles van Kote dans un message à la rédaction transmis à l'AFP.
La rédaction reste "sidérée", et "silencieuse", sous le coup de la "crise de gouvernance" ouvertement déclarée entre elle et les actionnaires du journal, avait déclaré un peu plus tôt jeudi Alain Beuve-Mery, président de la SRM (Société des rédacteurs du Monde), "mais le journal tourne et ne connaît aucune vacance de pouvoir".
"Ce clash constitue la première vraie crise du journal depuis l'arrivée en 2010 des nouveaux actionnaires", Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, a-t-il encore constaté.
Mi-avril, les actionnaires avaient créé la surprise en écartant les trois candidatures déclarées à la direction du journal, et en proposant de confier la direction du quotidien à Jérôme Fenoglio, qui n'était pas candidat.
Accent sur la vidéo et le mobile
"La dépression nerveuse de la rédaction est certainement liée à l'impression qu'on ne respecte pas ce qu'elle est, ni les règles du jeu qui avaient été décidées" estimait un journaliste. Par ailleurs, "c'est un peu plus compliqué qu'une simple opposition entre les journalistes papier et les journalistes web comme certains voudraient le faire croire" a confié la même source.
Dans son "projet pour 'Le Monde'", envoyé lundi à tous les salariés, si Jérôme Fenoglio disait vouloir que le quotidien reste "encore longtemps la colonne vertébrale de nos offres payantes", il entendait développer les nouveaux supports, en mettant l'accent sur la vidéo et le mobile, alors que "Le Monde" vient de lancer une édition numérique matinale pour les smartphones.
En juin 2010, la rédaction du "Monde" avait approuvé l'arrivée des trois actionnaires Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, puis négocié un "pacte d'indépendance" avec eux, qui ne lui laissait plus comme vestige de ses prérogatives anciennes que le seul droit de véto sur la nomination du directeur.
Jusqu'en 1994, les journalistes du Monde élisaient leur directeur.
Avec AFP