D'après les confidences d'un juge indonésien, l'ultime recours de Serge Atlaoui, le Français condamné à mort pour trafic de drogue, a été rejeté par la Cour suprême de Jakarta. Paris continue d'espérer "un geste de clémence".
L'espoir s'amenuise pour Serge Atlaoui. Selon les confidences d'un juge à un journaliste de l'AFP, la Cour suprême d'Indonésie a rejeté, mardi 21 avril, l'ultime recours du Français de 51 ans, condamné à mort pour trafic de drogue.
Le Français avait saisi la Cour suprême, espérant obtenir un procès en révision. Peine perdue. "Il n'y a pas de nouveaux éléments, et les raisons avancées dans le recours ne peuvent pas effacer le crime commis par le condamné", a déclaré le juge Suhadi à l'AFP, indiquant que le recours avait été rejeté par une formation collégiale de trois magistrats dont il a fait partie.
Incarcéré depuis dix ans dans ce pays d'Asie du Sud-Est, Serge Atlaoui a été arrêté en 2005 dans un laboratoire clandestin de production d'ecstasy près de Jakarta et condamné en 2007 à la peine capitale. Cet artisan soudeur s'est toujours défendu d'être un trafiquant de drogue, affirmant qu'il n'avait fait qu'installer des machines industrielles dans ce qu'il pensait être une usine d'acrylique.
La prudence reste de mise
Interrogé par France 24, l’un des avocats d’Atlaoui, Me Richard Sédillot, reste prudent quant à cette décision qu’il estime néanmoins "très probable" : "Cette déclaration a été faite de manière officieuse par un seul juge de la Cour indonésienne", tempère-t-il. Mardi à 17 h30, la famille de Serge Atlaoui n’avait toujours pas été informée officiellement, pas plus que l’ambassadrice de France en Indonésie, Corinne Breuzé, ni l’avocate indonésienne du condamné. Une annonce officielle pourrait avoir lieu - ou pas - dans les jours à venir.
"Si la décision devait être confirmée officiellement, nous serions effondrés, parce qu’encore une fois, aucune preuve n’a jamais été apportée contre Monsieur Atlaoui", poursuit Me Sedillot qui refuse de baisser les bras. "Il nous reste la mobilisation internationale et le recours diplomatique. Jusqu’au bout, nous allons nous battre", affirme-t-il.
Une source diplomatique française interrogée par France 24 estime de son côté qu’il est encore possible de gagner du temps. Le président indonésien, Joko Widodo, "peut toujours reconnaître de nouveaux éléments ou demander que tous les co-accusés soient exécutés en même temps, or le recours des autres condamnés est toujours en cours", affirme cette source.
Serge Atlaoui fait en effet partie d'un groupe de condamnés à mort, majoritairement étrangers, qui attendent dans les couloirs de la mort en Indonésie. Tous ont vu leur demande de grâce rejetée par le président Widodo, qui a pris ses fonctions en octobre dernier. Il avait fait savoir qu'aucune clémence ne serait accordée aux condamnés à la peine capitale pour drogue, expliquant que la consommation de produits stupéfiants faisait des centaines de morts chaque année dans l'archipel.
itParis espère un "geste de clémence"
La diplomatie française reste hautement mobilisée. La France, farouchement opposée à la peine de mort abolie en 1981, "continue à espérer un geste de clémence", a déclaré mardi Laurent Fabius. S'adressant à la presse, le chef de la diplomatie française a ajouté : "Nous sommes extrêmement préoccupés par cette décision et cette menace qui, si elle était mise à exécution, aurait évidemment des conséquences sur les relations entre ce pays et la France."
"Ce qui nous choque dans cette affaire, c'est bien évidemment le sort de notre compatriote, mais aussi le fait que tout le monde reconnaît qu'il n'a joué qu'un rôle mineur, à supposer qu'il a joué un rôle, et ceux qui dirigeaient cette affaire de drogue, qui étaient des Indonésiens, n'ont pas été condamnés à la même peine", a poursuivi Laurent Fabius.
Informée par voie de presse, la famille du condamné a supplié le président François Hollande et l’Union européenne de le sauver. "Notre famille en appelle au président de la République, Monsieur François Hollande, et à l'Union européenne pour mettre tout en œuvre pour sauver Serge Atlaoui du peloton d'exécution", a déclaré l'un de ses frères, André Atlaoui, en faisant part de son "désarroi" et de son "incompréhension" face à la probable décision de la Cour suprême d'Indonésie.
Les procédures en cours
Si elle devait avoir lieu, l’exécution de Serge Atlaoui pourrait être imminente. Le parquet général à Jakarta avait fait savoir que la date d'exécution des prochains condamnés à mort serait annoncée après la fin des procédures en cours, celle du Français devant la Cour suprême étant l'avant-dernière avant le recours d'un Ghanéen, dont le résultat semble proche.
"Il pourrait être exécuté très prochainement même si on n’a pas pour l’instant de date précise. Tout ce qu’on sait, c’est ce qu’a déclaré le porte-parole du procureur indonésien, à savoir que les exécutions n’auront pas lieu avant la fin de la conférence de Bandung, qui se termine le 24 avril prochain", précise Marie Dhumières, correspondante de France 24 en Indonésie.
Si Serge Atlaoui était passé par les armes, il serait le premier Français à être exécuté en 38 ans, selon l'ONG Ensemble contre la peine de mort. Marié et père de quatre enfants, il pourrait être exécuté en même temps que d'autres étrangers - d'Australie, des Philippines, du Brésil et du Nigeria - également condamnés à mort pour trafic de drogue.
Avec AFP