Les affrontements entre opposants et forces de l'ordre ont repris mardi à Conakry, au lendemain d'une journée de heurts qui a fait un mort. La situation est moins tendue que la veille, et les commerces rouvrent doucement.
Les échauffourées entre partisans de l'opposition et policiers et gendarmes guinéens ont repris mardi 14 avril à Conakry, au lendemain d'une journée de heurts qui ont fait un mort et au moins une dizaine de blessés, a constaté Sarah Sakho, la correspondante de France 24 en Guinée.
Plusieurs centaines de jeunes affrontent pour une deuxième journée consécutive les forces de l'ordre à coups de pierres et de pneus brûlés sur l’axe Hamdallaye-Bambeto, en banlieue de la capitale, mais les manifestations sont "moins importantes en terme de nombre de personnes et en terme de violence par rapport à hier", a précisé Sarah Sakho.
"Il y a une reprise du trafic et une réouverture des commerces. La ville tourne au ralenti mais moins qu’hier […] la situation est moins tendue", a-t-elle ajouté.
Un mort dans les affrontements lundi 13 avril
Lundi, une manifestation a dégénéré en violents affrontements, plusieurs heures durant, entre les manifestants et les forces de l'ordre à Conakry. L’envoyée spéciale de France 24, Sarah Sakho, s’était vu refuser l’accès de l’hôpital Donka, où elle s’était rendue pour rencontrer les familles des blessés.
À l'origine des troubles, un appel de l'opposition à manifester après l'agression de son porte-parole, le 4 avril, dans un climat d’insécurité dont elle rend le gouvernement responsable. Mais le mouvement s’est rapidement étendu à une dénonciation plus large de la cherté de la vie et du calendrier électoral. "On ne peut pas continuer comme ça", a confié un des manifestants à France 24 lundi. "Il y a des diplômés sans emploi et du banditisme, la misère, la galère", a expliqué le jeune homme.
Manifestation illégale pour le pouvoir
Lundi, l'opposition a dénoncé ce recours excessif à la force de la part des autorités. Interrogé par France 24, le chef de file de l’opposition guinéenne Cellou Dalein Diallo, a affirmé que le président Alpha Condé avait "donné des instructions fermes à ses forces de l'ordre de réprimer la manifestation qu'il considère comme illégale (…) Certains agents ont exécuté ses instructions et on a enregistré déjà beaucoup de blessés par balles qui sont aujourd'hui dans les cliniques, dans les établissements hospitaliers", a-t-il indiqué.
Lundi 13 avril, des affrontements ont opposé les forces de l'ordre aux manifestants
Rejetant ces accusations, le gouvernement guinéen voit dans ces manifestations organisées sans son autorisation, une tentative de "créer le chaos" en Guinée. "Le pays a vécu un passé assez complexe avec beaucoup d'intérêts en jeu et des gens qui ont intérêt à ce que la situation en Guinée ne se stabilise pas", a déclaré Damantang Albert Camara, le porte-parole du gouvernement, à France 24. "Nous avons une justice, une police qui va mener les enquêtes comme d'habitude et nous espérons très vite faire la lumière sur cela", a-t-il promis lundi
La présidentielle d'octobre 2015 en ligne de mire
L'opposition guinéenne, qui a lancé l’appel à manifester, réclame l’annulation pure et simple du calendrier électoral. Elle exige que les élections locales, prévues en mars 2016, aient lieu avant le scrutin présidentiel, prévu en octobre 2015.
"Le mandat des élus locaux a expiré il y a six mois", rappelle Sarah Sakho. Depuis des élus spéciaux les ont remplacés à leurs postes. Pour l'opposition, ces derniers sont des politiques acquis au pouvoir et au parti présidentiel, le RPG. "[Pour l'opposition], il y a donc une porte ouverte à la fraude pour la prochaine présidentielle."
Le gouvernement estime de son côté que la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui a décidé du calendrier, est légitime et appelle à la négociation, ce que l’opposition rejette en bloc. "Il y a donc un dialogue de sourds", conclut Sarah Sakho.