Le ton monte en Turquie après les déclarations du pape François, qui a reconnu publiquement le génocide arménien de 1915-1917. Les autorités turques ont annoncé dimanche qu'elles rappelaient pour consultations leur ambassadeur au Vatican.
Ankara a haussé le ton dimanche 12 avril, après les déclarations du pape François, qui a parlé de "génocide" à propos du massacre des Arméniens en 1915 dans l'est de l'Empire ottoman. La Turquie a annoncé qu'elle rappelait pour consultations son ambassadeur au Vatican, tandis que le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a qualifié les propos du pape de "partiaux" et "inappropriés".
Un peu plus tôt dans la journée, les autorités turques avaient affirmé à l'ambassadeur du Vatican avoir été "profondément désolées et déçues" par la sortie du pape François. Après la déclaration du souverain pontife, la Turquie n’avait pas tardé à convoquer le représentant du Vatican à Ankara au ministère des Affaires étrangères turc, afin qu'il s'explique sur la position du pape François.
Le pape est "loin de la réalité historique" selon Ankara
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu avait estimé, quant à lui, que les déclarations du souverain pontife étaient "sans fondement" et "loin de la réalité historique". Les propos du pape soulèvent un "problème de confiance" dans les relations entre Ankara et le Vatican, a estimé un responsable turc, interrogé par Reuters.
Selon Fatma Kizilboga, la correspondante de France 24 à Istanbul, le gouvernement turc a été "surpris de voir le pape ne prendre position qu’en faveur des Arméniens, sans le moindre mot pour les musulmans et autres minorités religieuses, qui ont également trouvé la mort pendant cette même période", précise-t-elle, citant les arguments avancés par les autorités turques.
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Des Turcs "pas encore prêts à assumer ces pages sombres"
Le pape François a prononcé dimanche pour la première fois le terme de "génocide" à propos du massacre des Arméniens il y a 100 ans. Un terme que les autorités turques rejettent avec force. La Turquie affirmant pour sa part qu'il s'agissait d'une guerre civile, doublée d'une famine, dans laquelle 300 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.
La question reste sensible en Turquie car "reconnaitre ce génocide serait remettre en question l’histoire et le passé héroïque d’une Turquie nationaliste, fondée après une guerre d’indépendance, qui a débuté au moment de la chute de l’empire ottoman - donc finalement à la même période", explique la correspondante de France 24 à Istanbul.
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"Les Turcs ne semblent pas encore prêts à assumer ces pages sombres de leur passé", affirme-t-elle. Toutefois, les mentalités commencent à changer. Sur place la correspondante de France 24 a observé des manifestations culturelles organisées à l'occasion du centenaire du génocide arménien par "des Turcs qui militent pour la reconnaissance de ce génocide". Aussi, une future reconnaissance du génocide par Ankara est possible selon Fatma Kizilboga, même si elle pourrait prendre encore plusieurs années.
La déclaration du pape augmente les pressions qui existent déjà sur Ankara, mais elle risque de compliquer encore un peu ses relations avec la Turquie. La visite du souverain pontife en novembre avait été marquée par un dialogue de sourds. Le pape avait alors défendu une alliance des religions contre le terrorisme, tandis que les autorités d'Ankara restaient centrées sur une dénonciation de l'islamophobie.
Avec Reuters et AFP