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Avec l'attaque de Garissa, les Shebab réaffirment leur emprise régionale

Malgré des revers en Somalie, les Shebab multiplient depuis plusieurs mois les attaques au Kenya. Une preuve, selon certains, que le groupe a su changer de stratégie et représente toujours une menace de poids dans la région.

Affaibli sur ses terres somaliennes, le groupe islamiste al-Shebab est parvenu, avec la sanglante attaque de l’université de Garissa au Kenya, à démontrer ce dont il était capable hors de ses frontières. L’assassinat des 148 étudiants - l’attaque la plus meurtrière menée par le groupe sur le sol kényan - a en effet violemment rappelé que ces islamistes, qui se sont ralliés à al-Qaïda en 2012, restaient pleins de ressources malgré les raids internationaux menés contre leurs bases et qu’ils constituaient toujours une sérieuse menace dans la région.

Selon Cédric Barnes, directeur du projet Corne de l'Afrique à l'International Crisis Group (ICG), la force des Shebab réside dans leur capacité à se renouveler, alors même qu’ils subissent d’importants échecs militaires dans leur pays d’origine, la Somalie. La tuerie de Garissa est d’ailleurs, selon le chercheur, le reflet du récent changement de tactique de ces islamistes. "Ils ont prouvé qu’ils étaient capables de s’adapter. Ils sont certes une petite organisation mais ils sont disciplinés", analyse l’expert pour France 24.

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"Le fait qu’ils s’attaquent à une université et qu’ils s’en prennent à des cibles kényanes est relativement nouveau dans l’histoire des Shebab", poursuit-il.

Depuis environ deux ans, ces terroristes, formés en Somalie en 2006, développent leur puissance de frappe sur le sol kényan. On se souvient notamment du spectaculaire attentat au centre commercial Westgate à Nairobi, le 20 septembre 2013, faisant au moins 67 morts. En juillet 2014, plusieurs attaques contre des villes côtières du Kenya avaient, elles, causé la mort d’au moins 21 personnes.

S’attirer le soutien de la minorité musulmane

Lors des attaques au Kenya - pays auquel ils reprochent son soutien militaire à la lutte contre le terrorisme en Somalie - les Shebab ont visé majoritairement les chrétiens tout en épargnant les personnes de confession musulmane, comme à Garissa ou au Westgate. Une méthode qui vise, d’après Cédric Barnes, à s’attirer le soutien de la minorité musulmane du Kenya. "De manière très cynique, ils visent les groupes majoritaires dans le but de séduire les minorités", pointe-t-il.

D’autre part, le spécialiste relève que la capacité d’adaptation des Shebab a déstabilisé les gouvernements de pays tels que le Kenya. "Contrairement aux Shebab, les pays qui sont ciblés ne parviennent pas à adapter rapidement leur tactique", indique-t-il.

L’organisation terroriste a été largement affaiblie en Somalie depuis 2011, date à laquelle les Shebab ont quitté la capitale Mogadiscio, dont ils contrôlaient une large partie depuis 2007. Suite à ce tournant, les islamistes ont essuyé une série de déconvenues militaires. En 2012, ils ont été contraints d'abandonner le port de Kismayo, un centre opérationnel qui constituait leur principale source de revenus. L’année dernière, leur leader, Ahmed Abdi Godane, avait été tué par un raid de l’armée américaine.

Loin de se lamenter sur leur sort somalien, les islamistes ont récemment élargi encore leur horizon : en février 2015, ils ont menacé dans une vidéo de s'en prendre à des centres commerciaux occidentaux, à Paris, Londres et aux États-Unis.