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Tsipras rencontre Merkel dans un contexte tendu entre l'Allemagne et la Grèce

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras rencontre, lundi, la chancelière allemande, Angela Merkel, pour évoquer le problème de la dette grecque. Une réunion qui intervient sur fond de polémiques qui enveniment les rapports entre les deux pays.

Moment de vérité” pour la zone euro… “Rencontre de la dernière chance”… La réunion, lundi 23 mars à Berlin, entre le Premier ministre grec Alexis Tsipras et la chancelière allemande Angela Merkel est considérée comme capitale pour l’avenir de la Grèce, de la zone euro… et du projet européen.

Le nouveau chef du gouvernement grec est un détracteur des politiques d’austérité défendues par Berlin. Il veut convaincre Angela Merkel que l’Europe doit continuer à soutenir financièrement son pays. Il amène dans ses bagages une liste “concrète de réformes” pour satisfaire Berlin, croit savoir le quotidien “Der Spiegel”. De son côté, la chancelière allemande a affirmé, en fin de semaine dernière, que l’euro était vital au projet de construction européenne et que la Grèce était essentielle à la monnaie unique.

Les deux principaux protagonistes de cette pièce aux allures de tragédie grecque semblent donc animés d’une même volonté d’apaisement. Ils y ont intérêt. Car depuis quelques semaines soufflent sur les relations germano-grecques des vents contraires, nourris de déclarations à l’emporte-pièce, de surenchères médiatiques et de nervosité populaire grandissante dans les deux pays.

Les couacs se sont en effet accumulés, faisant de cette rencontre de la dernière chance une réunion, aussi, à haut risque. La preuve par quatre.

La lettre à Merkel. Le Premier ministre grec aurait probablement préféré qu’elle ne sorte pas dans la presse. Le quotidien britannique “Financial Times” a publié, lundi 23 mars, des extraits d’une missive envoyée par Alexis Tsipras à Angela Merkel en préparation de leur rencontre.

Le chef du gouvernement grec y reconnaît sans détour que son pays a un pied et demi dans le cercueil financier. Il lui serait "impossible de payer toutes les dettes" dues dans les mois à venir. Mais impossible n’est pas grec… si Athènes pouvait compter sur une plus grande compréhension de Berlin et de la Banque centrale européenne.

C’est l’autre volet de la lettre qui pourrait être perçu comme une mise en garde. Alexis Tsipras presse Angela Merkel de faire tout ce qui est en son pouvoir pour débloquer une aide financière ponctuelle au plus vite. Sans quoi, Athènes serait obligé de couper encore davantage le robinet à prestations sociales. Autrement dit, le Premier ministre grec avertit son homologue allemande que si elle continue à rester droit dans ses bottes budgétaires, son image auprès de la population grecque risque d’en pâtir encore davantage. Il la tiendrait pour responsable de toute nouvelle détérioration de la situation sociale en Grèce.

La provoc' du "Spiegel". C’est ce qu’on appelle avoir le sens du "timing". Dans sa dernière édition, datée du 21 mars, le magazine allemand “Der Spiegel” publie en une un photomontage montrant la chancelière allemande entourée de généraux nazis devant l’Acropole d’Athènes, sous le titre “Comment les Européens voient les Allemands : La surpuissance allemande”.

Guten Abend! Der neue #SPIEGEL ist da und kann heruntergeladen werden: https://t.co/09Ht7MA1c4 #thegermanübermacht pic.twitter.com/1YDDMEq9Sn

— Der SPIEGEL (@DerSPIEGEL) 20 Mars 2015

Cette provocation a suscité de vives réactions en Allemagne. Le directeur allemand du centre de réflexion européen Carnegie Center, Jan Techau juge que cette une est “bête" et qu’elle ouvre un boulevard aux populistes. Même aux yeux du rédacteur en chef du très populaire tabloïd "Bild", Kai Diekmann, le prestigieux magazine est allé trop loin. "Si j’avais publié ce titre quand je travaillais pour toi, tu m’aurais convoqué dans ton bureau pour me hurler dessus”, écrit-il sur Twitter à son ex-collègue, aujourd’hui rédacteur en chef du "Spiegel", Nikolaus Blome. Pour le quotidien "Süddeutsche Zeitung", cela revient tout simplement à aller dans le sens de ceux qui pensent que l’Allemagne d’Angela Merkel serait en train de construire “un quatrième Reich”.

Le majeur de Varoufakis. Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, a-t-il fait un doigt d’honneur à l’Allemagne lors d’un discours prononcé en 2013 ? Cette question fascine les Allemands depuis que la première chaîne de télévision du pays a retrouvé, dimanche 15 mars, sur YouTube une vidéo qui le montre faisant ce geste provocateur.

Le ministre grec a beau avoir nié farouchement, tandis qu’un humoriste allemand assure qu’il s’agit en fait d’un vidéo-montage de son cru, rien n’y fait. Les Allemands doutent, et le tabloïd "Bild" jure que ce n’est pas un montage. Pour le quotidien "Frankfurter Allgemeine Zeitung", cette polémique montre à quel point les Allemands sont prêts à sortir les griffes contre la Grèce au moindre prétexte. Après tout, juge le journal, un majeur brandi il y a deux ans, alors que Yanis Varoufakis n’était qu’un économiste atypique ne serait, même si la photo est authentique, qu’un problème mineur.

Les réparations de guerre. Deux touristes allemands, Nina Lange et Ludwig Zaccaro, sont devenus des petites célébrités en Grèce la semaine dernière. Ils ont versé 872 euros à la mairie de Nauplie (dans le Péloponnèse) en guise de "contribution aux réparations de guerre" que l’Allemagne doit, selon eux, à la Grèce pour les exactions du régime nazi, raconte le journal grec "Ekathimerini".

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"Une dette est une dette"

La polémique sur les éventuelles réparations de guerre dues par l’Allemagne à la Grèce dure depuis la victoire de la coalition de gauche radicale, Syriza, aux élections du 25 janvier. Berlin juge que cette question n’a plus lieu d’être, et digère mal que plusieurs ministres dont Yanis Varoufakis, sur FRANCE 24, aient remis cette polémique sur le tapis médiatique. Le gouvernement allemand veut d’autant moins en entendre parler que plusieurs parlementaires ont commencé à trouver que les arguments grecs n’étaient pas dénués de sens. De différend diplomatique, cette question est, donc, en train de se transformer en épine politique dans le pied d’Angela Merkel.