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En Macédoine, sur les traces des poilus d’Orient

envoyée spéciale à Skopje – À l'occasion du déplacement du ministre des Anciens combattants sur le front d'Orient, France 24 vous fait vivre ce voyage mémoriel et commémoratif sur les traces de ces poilus oubliés. Au deuxième jour, c’est en Macédoine que nous nous rendons.

8 h : Visite d'Ohrid

La délégation emmenée par le secrétaire d'État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, débute la deuxième journée de son déplacement sur les traces des poilus du front d'Orient à Ohrid en Macédoine. Cette cité, classée au patrimoine mondial de l'Unesco est l'un des joyaux du pays. Bordée par un lac, celle que l'on surnomme la perle des Balkans, réserve de nombreux trésors. Une fois n'est pas coutume : la matinée n'est pas donc pas consacrée à la Première Guerre mondiale, mais à une période beaucoup plus ancienne: l’Empire byzantin. Ohrid dispose d'une riche galerie d'icônes datant de cette période. À quelques mètres, c'est la splendide église Saint-Clément qui présente elle aussi des fresques religieuses exceptionnellement bien préservées.

Mais l'appel des poilus est plus fort, et la délégation prend ensuite la route pour Bitola, la deuxième ville du pays, située à un peu plus d'une heure de voiture. Sur la route encore bordée de neige en ce début du mois mars, le paysage se fait plus escarpé. Située au pied de la montagne Baba, Bitola n'a pas le même charme qu'Ohrid, mais présente la particularité d'avoir l'un des plus importants cimetières militaires français des Balkans.

10 h : Commémoration au cimetière de Bitola

En entrant dans cette nécropole, je ne marche pas seulement sur les pas des Français qui ont combattu ici durant la Grande Guerre, mais surtout sur les traces de ma famille. Mon arrière-grand-oncle Joseph Gondet, jeune zouave, débarqué en novembre 1915 à Salonique, a été tué en décembre 1916 à seulement quelques dizaines de kilomètres de là, dans la localité de Slivica. Après avoir fait de longues recherches, qui feront l’objet d'un prochain article, j'ai appris que son corps reposait sûrement parmi les quelque 6 000 tombes et les plus de 10 000 dépouilles de soldats inconnus, regroupées dans deux ossuaires, situées sur cette terre de Macédoine.

En marchant dans la neige, entre les longues rangées de croix toujours aussi impeccablement alignées, je pense à mon arrière-grand-père qui ne devait pas avoir beaucoup de détails sur la destinée tragique de son frère. Dans son petit village de Bretagne, à des milliers de kilomètres des Balkans, il ne devait pas non plus se douter qu'un jour, presque cent ans après sa mort, une de ses descendantes reviendrait lui rendre hommage.

Après avoir posé la première pierre du futur musée du cimetière français, le secrétaire d'État ne manque d'ailleurs pas de rappeler combien il est temps de faire sortir de l'oubli ces soldats, partis si loin et fauchés en pleine jeunesse : "Je suis venu ici honorer la mémoire des combattants qui sont venus se battre sur le front d'Orient et qui sont morts ici loin de leur famille, loin de la Nation française". Mais comme le montre la construction de ce nouvel espace d'histoire, l'intérêt des Français pour ce passé est de plus en plus fort. "Nous recevons au moins deux demandes par semaine de renseignements de familles sur un soldat tué en Macédoine durant la Première Guerre mondiale. Nous les aidons à en savoir plus, grâce à nos listes ou en leur indiquant le site mémoire des hommes", explique le lieutenant-colonel Stéphane Loechleiter, attaché de défense à l'ambassade de France en Macédoine. "Il y a un engouement indéniable".


12 h 30 : Départ pour Skopje

Pour se rendre à Skopje, la capitale de Macédoine, l'ambassadrice Laurence Auer a choisi de faire voyager la délégation par la route. Pour elle, ce déplacement en voiture est symbolique, car il suit véritablement la route du front. En 1918, l'armée française a en effet emprunté ces chemins, en remontant la vallée du fleuve Vardar pour chasser les Bulgares de Skopje, alors appelés Uskub. Dans cet environnement inhospitalier, les poilus ont écrit l'une des pages décisives de la Grande Guerre. Après une longue chevauchée dans les montagnes, les spahis marocains se sont lancés dans la dernière charge de l'histoire de la cavalerie française et ont réussi à prendre Uskub le 29 septembre, entraînant la capitulation bulgare.

16 h 45 : Commémoration au cimetière de Skopje

Cette victoire a bien entendu été payée par le sang. Comme à Bitola, le cimetière de Skopje regroupe les corps de nombreux poilus d'Orient tombés au combat : 930 tombes, ainsi que deux ossuaires d'environ 1 000 dépouilles chacun. Une longue litanie de noms venus des quatre coins de l'empire français. Suivant le protocole, le secrétaire d'État y dépose une gerbe en présence de l'ambassadrice, mais Jean-Marc Todeschini marque surtout cette visite à Skopje par le dévoilement d'une nouvelle plaque dans un jardin de la ville. Celle-ci est dédiée "à la mémoire des soldats de l'armée française d'Orient qui ont combattu avec bravoure à Skopje les 29 et 30 septembre 1918". Dans son discours, il insiste sur le rôle des spahis marocains dans la prise de la cité. "Un fait d'armes qui vaut au régiment de spahis une citation de l'armée : 'Unité d'élite, apte à toutes les missions et dépassant par son audace et son entrain les espérances du commandement'", décrit-il. "Voici ce que nous raconte cette stèle, les Skopjotes promeneurs du parc de la Francophonie, pourront désormais se souvenir d'une page d'histoire écrite à deux mains et partagée par nos deux pays". Espérons que les habitants de cette ville ne soient pas les seuls à avoir une pensée pour ces hommes venus d'autres contrées. Sur Twitter, après avoir posté une photographie de cette plaque, un internaute réagit à mon message : "On ne nous a rien dit sur cette histoire dans les cours à l'école !". Il est en effet plus que temps. Spahis, zouaves, et autres poilus méritent enfin un peu de lumière sur leur sort sur ce front d'Orient.

Retrouvez ici les autres étapes de ce voyage sur le front d'Orient.