Une loi criminalisant les violences contre les femmes, adoptée par le Parlement algérien, provoque la colère des élus conservateurs. Ces derniers y voient "une dislocation de la famille" et une "imposition des normes occidentales".
Après la Tunisie, l’Algérie est devenu le deuxième pays du Maghreb à criminaliser les violences contre les femmes. L’Assemblée nationale a voté jeudi 5 mars une loi qui les protège mieux, en préservant notamment les ressources financières des épouses face à leurs conjoints. Le texte introduit aussi la notion de harcèlement dans les lieux publics et celle de harcèlement moral conjugal.
La loi stipule également que quiconque porte volontairement des coups à son conjoint, risque, en fonction des blessures, de 1 à 20 ans de prison, voire la réclusion à perpétuité en cas de décès.
"Plus simple d'avoir une maîtresse"
Cette adoption suscite cependant la colère des députés conservateurs,+ qui y voient une intrusion dans l'intimité du couple contraire aux valeurs de l'islam. Des élus ont notamment accusé le gouvernement de vouloir imposer des normes occidentales à une société musulmane. Selon le député Naamane Belaouar de l'Alliance pour l'Algérie Verte, une coalition de partis islamistes, le texte est "contraire aux préceptes coraniques et vise la dislocation de la famille".
Pour un autre membre de l’Assemblée, l’élu indépendant Ahmed Khelif, cette loi constitue une légitimation des relations extraconjugales. "Il sera plus simple d'avoir une maîtresse que d'être marié et de courir le risque d'être poursuivi en justice pour n'importe quelle faute ", a-t-il expliqué.
Le problème de la notion de pardon
En réponse à ces critiques, le ministre de la Justice Tayeb Louh a expliqué que "les versets coraniques protègent l'honneur de la femme et ne permettent pas d'accepter ce phénomène" de violences à son encontre."La violence contre les femmes dans notre société existe et s'amplifie", a-t-il insisté.
Même si ce texte constitue une avancée pour l’Algérie, ses effets seront limités par l'introduction de la notion de pardon. En effet, le pardon de l'épouse met fin aux poursuites judiciaires dans les cas les moins graves, et les allège dans les plus graves. Or ce pardon peut être obtenu avec des pressions familiales sur la victime, comme le souligne Soumia Salhi, féministe et syndicaliste : "Elle pose problème car c’est une mise en échec de la parole des femmes et un message d’impunité aux auteurs des violences ". L’ONG Amnesty International estime également que cette loi est "un pas en avant" mais s'"alarme de l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime".
Chaque année en Algérie, entre 100 et 200 femmes meurent de violences familiales, d'après des statistiques parues dans la presse.
Avec AFP