L'association française Acat qui avait porté plainte, à Paris, pour torture contre de hauts responsables marocains était convoquée à Rabat, jeudi, par la justice marocaine pour "diffamation". Mais elle n'a pas envoyé son représentant légal.
La plainte qu'elle avait déposée contre de hauts responsables marocains il y a un an pour torture avait déclenché la brouille franco-marocaine. Visée à son tour par une action en justice pour diffamation, l’association Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat) était convoquée, jeudi 26 février devant un tribunal de Rabat. Mais l’ONG a refusé d’envoyer un représentant légal au Maroc, se faisant toutefois représenter par un avocat marocain.
"Nous considérons que cette procédure est inique en ce qu'elle vise à dissuader les victimes de porter plainte et à punir les associations qui les soutiennent. […] L’évidente partialité de la justice marocaine dans cette affaire ne permet pas d’exclure un placement en détention du représentant légal de l'Acat", prévient l’association dans un communiqué diffusé le même jour.
Une convocation que l'Acat juge "illégitime"
Pour l’association, cette convocation est "illégitime" et constitue "une mesure d’intimidation qui s’inscrit dans le cadre d’une politique répressive". Le communiqué fait ici référence à l’annonce du ministre marocain de la Justice et des Libertés, El Mostapha Ramid énoncée le 11 juin 2014. Il y affirmait la volonté des autorités du royaume de prévenir la torture, tout en précisant que "le parquet engagera les procédures judiciaires nécessaires en cas de dénonciation d'infractions inexistantes ou de volonté de porter atteinte à la réputation de personnes ou d'institutions".
C’est à ce titre que l'Acat a reçu, le 23 janvier, une convocation de la justice marocaine pour "diffamation, outrage envers les corps constitués, utilisation de manœuvre et de fraude pour inciter à faire de faux témoignages, complicité et injure publique" . Car l'association a déposé, en mai 2013, plusieurs plaintes pour torture contre des agents publics marocains, dont Abdellatif Hammouchi, le chef de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) marocain.
Une plainte au cœur de la brouille franco-marocaine
L'action juridique de l'Acat a rapidement viré à l’incident diplomatique entre Paris et Rabat. Le 20 février 2014, la police française "s’invitait" à la résidence de l'ambassadeur marocain, à Paris, pour notifier une demande d'audition de la justice française à Abdellatif Hammouchi , alors qu’il accompagnait son ministre de l’Intérieur.
>> À lire sur France 24 : "Cette brouille qui n'en finit pas"
Le Quai d’Orsay s'est demené pour tenter de désamorcer la crise, rien n’y a fait. Rabat, piqué au vif par cette "violation des règles et usages diplomatiques universels", a suspendu une semaine plus tard, sa coopération judiciaire avec Paris. Elle n'a été rétablie que fin janvier 2015, à la faveur d'un accord entre les deux gouvernements.
L’amitié retrouvée entre les deux pays a notamment été marquée par l'annonce de la décoration d’ Abdellatif Hammouchi, qui sera prochainement élevé au grade d'officier de la Légion d’honneur. Une distinction qui fait fulminer l’Acat qui s’était indignée de "l'affront fait aux victimes de torture et à la défense des droits de l'Homme, sacrifiés au nom des intérêts diplomatiques".