
Elle s’appelait Özgecan Aslan. Cette étudiante de 20 ans a été violée puis assassinée par ses agresseurs, vendredi. Sa mort a suscité une vague d’indignation qui s’est transformée en un procès contre le gouvernement d'Erdogan.
Son corps a été retrouvé dans une rivière de sa ville natale de Tarsus (sud) le 13 février. Özgecan Aslan, portée disparue depuis le 11 février, était une étudiante de 20 ans. Elle a été sauvagement assassinée. Selon le récit de la presse locale, la jeune femme a été violée puis tuée à coups de barre de fer par le chauffeur d'un minibus qui la ramenait de l'université à son domicile.
Pour se débarrasser du corps de sa victime, le violeur présumé, Ahmet Suphi Altindoken, aidé par son père, aurait coupé les mains de la jeune femme et brûlé son corps pour faire disparaître toute trace d’ADN.
Le plan échoue et trois suspects sont très vite identifiés. Ils ont été interpellés par la police le lendemain des faits et sont passés aux aveux. Tous ont été inculpés et écroués dimanche 15 février.
Cet assassinat tragique a rapidement pris une tournure politique. Depuis l'enterrement vendredi de l'étudiante, il y a eu de nombreuses manifestations d'indignation dénonçant l’incurie du gouvernement sur les violences faites aux femmes.
"Plaie ouverte de notre société"
Le chef du principal parti d'opposition turc a d’ailleurs attribué à l'AKP [le Parti de la justice et du développement, qui règne sans partage sur le pays depuis 2002] la hausse des violences à l’encontre des femmes à la "morale" et la "mentalité" religieuses.
"L'AKP est arrivé au pouvoir en arguant que la moralité avait subi de gros coups [...] mais la démocratie et la morale ont perdu beaucoup de sang toutes ces années", a déploré Kemal Kiliçdaroglu, le président du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate).
Une chose est sûre : le président turc Recep Tayyip Erdogan ne brille pas par son féminisme. C’est un habitué des sorties polémiques sur les femmes. Récemment, il a estimé que l’égalité homme-femme était "contre nature".
Mais depuis cet événement tragique, l’homme fort du pays, directement mis en cause, tente de faire bonne figure. "La violence contre les femmes est une plaie ouverte dans notre société (...) une rupture de la confiance de Dieu", a-t-il déclaré lors d'un discours. Avant lui, le Premier ministre Ahmet Davutoglu a promis une "large campagne contre les violences faites aux femmes" et même de "briser les mains" de leurs auteurs.
#sendeanlat
Lundi, un millier de manifestants ont défilé à Mersin et 3 000 avocats qui dénonçaient un projet de loi controversé renforçant les pouvoirs de la police, ont rendu hommage à l'étudiante à Ankara en brandissant ses photos.
Pour de nombreux Turcs, c'est le crime de trop. Les associations féministes ont appelé les Turques à porter le deuil et les réseaux sociaux débordent de messages de révolte exhortant les victimes à sortir du silence regroupés sous le mot-clé "#sendeanlat" ("#toi aussi raconte" en turc).
"Cela ne peut plus continuer. L'agression et le meurtre des femmes sont devenus une banalité en Turquie", a regretté Bilge Dinler, une architecte d'Ankara portant un deux pièces sombre et des gants noirs.
Selon les associations féministes, les meurtres de femmes ont nettement augmenté ces dix dernières années pour atteindre près de 300 cas en 2014. Un autre rapport compilé par le ministère de la Famille a évalué à 40% la part des femmes victimes de violences de la part de leur mari ou d'un membre de leur famille.
Une pétition en ligne réclamant une "peine exemplaire" contre les assassins présumés d'Özgecan Aslan avait reçu lundi près de 750 000 signatures.
Avec AFP