Envoyée spéciale à Bata – La hiérarchie a été respectée dans cette CAN-2015. La Côte d'Ivoire et le Ghana, deux des meilleures équipes africaines, s'affrontent pour le titre. Un choc qui promet une rencontre intense, 23 ans après leur dernière confrontation en finale.
Avant d'affronter les journalistes pour une dernière fois avant la finale de la CAN-2015, l'entraîneur des Ivoiriens Hervé Renard affiche son plus beau sourire. Visiblement décontracté, le technicien français a hâte d'être à dimanche soir pour affronter le Ghana. Il espère vivre la même joie que lors de sa victoire il y a trois ans avec la Zambie. "Je n'ai pas envie de quitter ce stade avec une autre issue que celle de 2012. C'était tellement magique de remporter un trophée qu'il ne faut pas laisser passer cette chance", déclare-t-il avec détermination en conférence de presse.
En cas de victoire, Hervé Renard entrerait dans l'histoire comme le premier entraîneur à remporter le titre avec deux pays différents, mais il deviendrait surtout un héros en Côte d'Ivoire. Un pays qui attend de soulever la Coupe d'Afrique depuis 1992, date de l'unique victoire ivoirienne. Hasard de l'histoire, ils avaient alors battu le Ghana. A ses côtés, le défenseur Wilfried Kanon, âgé de 21 ans, n'était même pas né à l'époque. "C'est une première CAN pour moi. C'est un rêve d'enfant qui se réalise et j'espère que demain sera le plus grand jour de ma vie", explique timidement le jeune joueur de la Haye.
"Je connais leurs points forts et leurs points faibles"
Pour atteindre ce Graal, les Éléphants devront dominer le Ghana, la meilleure attaque de cette CAN avec dix buts au compteur contre neuf pour les Ivoiriens. Ancien entraîneur adjoint du Ghana, Hervé Renard a l''avantage d'avoir bien étudié les rouages de cette sélection : "Entre mon passage au Ghana et à Sochaux, il y neuf joueurs que je connais, dont deux défenseur, Harrison Afful et John Boye qui étaient avec moi et Claude Le Roy dans l'équipe locale à l'époque. Je connais leurs points forts et leurs points faibles", raconte le coach de la Côte d'Ivoire.
"C'était mon arrivée en Afrique, c'était tout nouveau pour moi. C'était un rêve. C'était fantastique, mais aujourd'hui, il n'y a pas de cadeaux à se faire. Il faut battre le Ghana pour soulever cette Coupe".
Les Ivoiriens vont aussi devoir oublier leurs anciennes blessures pour ne pas être perturbé par l'enjeu. Finaliste en 2006 et 2012, la génération dorée emmenée par les frères Touré a échoué par deux fois dans cette compétition. Pour ne pas devenir une génération maudite, ils n'ont plus le droit à l'erreur. "C'est vrai que nous avons perdu deux finales, mais c'est le passé. Il faut vivre le présent. Demain, c'est une autre finale avec un autre objectif à atteindre", tempère toutefois Wilfried Kanon.
Son coach Hervé Renard est lui aussi persuadé que les joueurs ont réussi à faire table rase et sont aujourd'hui à leur meilleur niveau: "Quand vous subissez des échecs, parfois c'est ce qui vous aide à devenir plus fort et à un moment donné, vous réussissez à atteindre la consécration. Pour certains joueurs de cette génération, il faut que ce soit demain, sinon ce sera trop tard".
Les frères Ayew, vingt-trois ans après le père
Dans le camp adverse, André Ayew a lui aussi rendez-vous avec l'histoire, celle de sa famille. En 1992, lors de la défaite en finale du Ghana contre la Côte d'Ivoire, son père, la légende Abedi Pelé, n'avait pas pu entrer sur le terrain pour cause de suspension. Vingt trois ans plus tard, le joueur de l'Olympique de Marseille, et son frère Jordan ont la lourde tâche de faire oublier cet échec. Interrogé à ce sujet, le capitaine des Black Stars préfère cependant calmer les esprits.
"Ce n'est pas une histoire de revanche. C'est une histoire de qui va gagner. On a travaillé dur pour en arriver là. Tout ce qui nous importe c'est de ramener la Coupe au Ghana", explique-t-il. "Cela fait des années que le Ghana n'a pas été champion d'Afrique [depuis 1982. Le pays aussi gagné en 1978, 1965 et 1963, NDLR]. Cela fait trente trois ans. Depuis on a perdu deux finales, mais cela ne pèse pas sur nous. Personne ne comptait sur nous dans ce tournoi et on est très tranquilles et sereins. On va prendre ce match comme un autre pour essayer de rendre tout un peuple fier ".
Après une Coupe du Monde ratée, les Blacks Stars ont en effet réussi à retrouver leur meilleur niveau et se montrent solides tant du point de vue offensif que défensif. Arrivé à la tête de l'équipe depuis seulement quelques semaines, l'entraîneur Avram Grant a fait des miracles: "On vient de loin, personne ne misait sur nous”, affirme le technicien israélien. “Je travaille avec l'équipe depuis le 1er décembre, j'ai eu très peu de temps. Ce n'était pas facile en si peu de temps, j'ai dormi deux heures par nuit, à regarder des vidéos. On peut toujours faire mieux, mais je pense qu'on a bien fait".
Mais à la veille du choc contre la Côte d'Ivoire, le coach ne sait toutefois pas s'il pourra compter lors de la finale sur l'une des pièces maîtresses de son équipe. L'attaquant Asamoah Gyan, blessé à la hanche lors du quart de finale est toujours incertain: “On est venus pour s’entraîner hier mais on ne nous a pas autorisés [en raison d'un problème d'éclairage], et donc, on n’a pas pu voir comment il était, on verra aujourd’hui".
Avec ou sans la star du Ghana, les Blacks Stars assurent qu'ils ne laisseront pas filer une troisième fois le titre après les échecs de 1992 et 2010 (contre l'Égypte). "Cette finale sera la bonne", insiste André Ayew. "On va faire notre boulot. On va tout donner. On espère que les dieux du foot seront de notre côté".