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Le journaliste burundais Rugurika reste en prison pour complicité d’assassinats

La justice burundaise a ordonné mercredi le maintien en détention préventive de Bob Rugurika. Ce journaliste avait diffusé un reportage qui lui avait valu d'être accusé de "complicité d'assassinats" de trois religieuses italiennes.

La décision du maintien en détention préventive de Bob Rugurika est tombée comme un coup de massue, dans la matinée de mercredi 4 février. Ce journaliste du Burundi est accusé par la justice de "complicité d’assassinat" pour avoir diffusé sur sa radio le témoignage d’un homme se présentant comme l’un des assassins de trois religieuses italiennes, remettant en cause la version officielle du pouvoir burundais.

Le patron de la Radio publique africaine (RPA) au Burundi risque jusqu’à 20 ans de prison s’il est reconnu coupable. Trois autres chefs d’accusation pèsent sur lui : "manquement à la solidarité publique", "violation du secret d’instruction" et "recel de malfaiteurs".

Les faits remontent au mois de septembre 2014, quand les trois sœurs italiennes sont retrouvées mortes et mutilées dans des circonstances troubles, dans le couvent de Kamenge, en périphérie de Bujumbura. Selon les autorités burundaises, il s’agit de l’œuvre d’un "déséquilibré mental".

Mais le 20 janvier 2015, Bob Rugurika est interpellé après la diffusion d’un reportage remettant en question cette version officielle. 

>> À relire sur France 24 : Trois soeurs italiennes assassinées au couvent de Kamenge

La radio de Bob Rugurika dévoile notamment le témoignage d’un homme se présentant comme l’un des assassins des trois sœurs et qui accuse. Il met notamment en cause le général Adolphe Nshimirimana - ancien numéro trois du pouvoir à la tête des renseignements généraux burundais, aujourd’hui chargé de mission à la présidence – d’être impliqué dans ces assassinats.

C’est donc une affaire qui concernerait directement le parti au pouvoir si les faits étaient avérés.

"Cela porte préjudice à l’image du Burundi"

Les soutiens de Bob Rugurika ont déjà défilé deux fois pour réclamer sa libération. Ils prévoient de se réunir tous les mardis, vêtus de vert, la couleur que portent les prisonniers burundais, tant que le journaliste ne sera pas libéré. L’annonce, mercredi, de son maintien en détention, a été brutale pour eux.

"Cette décision est une très mauvaise surprise pour nous, confie à France 24 Alexandre Niyungeko, le président de l’Union burundaise des journalistes. Cela montre que la justice burundaise n’est pas indépendante et porte préjudice à l’image d’un pays qui clame haut et fort qu’il se veut démocratique."

Alexandre Niyungeko, qui a pu rendre visite à Bob Rugurika et qui affirme que "son moral est bon malgré cette épreuve", explique que les avocats du journaliste ont déjà fait appel de la décision, puis ajoute : "Mais en attendant, on a un journaliste qui a simplement fait son travail et qui est en prison. Notre plus grande crainte, c’est que la situation dure, et qu’il ne soit pas jugé avant plusieurs mois, peut-être plusieurs années."

Aucune date pour le jugement de Bob Rugurika n’a en effet pour l’instant été annoncée par la justice burundaise. Le journaliste est actuellement à l'isolement dans la prison de Muramvya, à cinquante kilomètres à l'est de Bujumbura.

"Une décision pour museler le média le plus populaire du Burundi" pour RSF

Peu de temps après la décision de la justice burundaise, Reporters sans frontières a regretté, par la voix de Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique, "le maintien de ces charges disproportionnées [visant] à museler le média le plus populaire du Burundi".

"Cette décision envoie un message de menace à destination des autres journalistes du pays et porte une atteinte grave à la liberté de l’information" a-t-elle expliqué, demandant la libération immédiate de Bob Rugurika.

En 2013, le Burundi, classé 143e sur 180 au classement de la liberté de la presse de RSF, avait déjà envisagé de limiter la liberté des journalistes avec une nouvelle loi restreignant notamment la protection des sources dans des affaires de sécurité intérieure.

Une partie des dispositions de cette loi ont été invalidées par la Cour constitutionnelle burundaise début 2014, notamment concernant les lourdes augmentations des amendes et des peines imposées aux journalistes, mais la loi reste actuellement en vigueur.

L’emprisonnement de Bob Rugurika laisse craindre le pire aux journalistes burundais, à quelques mois des élections législatives et présidentielle prévues en mai et en juin 2015.