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Le casse-tête grec du nouveau plan à 1 000 milliards d’euros de la BCE

Le programme massif de rachat de dettes souveraines présenté jeudi par la BCE concerne les 19 États membres de la zone euro, et parmi eux, la Grèce. Mais Athènes devra remplir plusieurs conditions pour en bénéficier.

La décision de la Banque centrale européenne (BCE), jeudi 22 janvier, de lancer un vaste plan de rachat de dettes des pays de la zone euro n’est pas qu’un gros coup de pouce économique. Elle a aussi un poids politique pour un pays précis : la Grèce.

Toute la classe politique grecque se demandait si, à trois jours d'un scrutin décisif, la BCE allait inclure la dette du pays dans son programme d’assouplissement quantitatif (ou "quantitative easing"). Alexis Tsipras, le leader du parti de gauche radical Syriza annoncé comme favori pour les législatives du 25 janvier, avait ainsi estimé la semaine dernière qu’exclure la Grèce reviendrait à "punir un pays qui a déjà beaucoup souffert".

Oui, mais…

La réponse de la BCE à cette attente grecque peut se résumer en deux mots : oui, mais… En théorie, la Banque centrale européenne va racheter, auprès des banques, des obligations des 19 pays membres de la zone euro. "Elle va, entre autres, acquérir des titres des pays en fonction de leur participation au budget de la Banque centrale européenne”, explique à France 24 Christophe Blot, spécialiste de l'économie européenne à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La Grèce peut donc en théorie bénéficier des largesses de Mario Draghi.

Mais que Syriza et les autres formations grecques ne se réjouissent pas trop vite. "Il y a évidement certaines conditions qui doivent être remplies avant que nous puissions acheter des titres grecs", a prévenu le président de la BCE, Mario Draghi. Des conditions qui, pour l'heure, rendent Athènes inéligible à "l’assouplissement quantitatif" à l’européenne.

La première condition concerne les pays européens sous perfusion financière internationale, comme la Grèce, Chypre ou le Portugal, qui reçoivent des aides de la BCE, du Fonds monétaire international et de l'UE. Aucun de ces pays ne peuvent profiter du programme de la BCE tant que des représentants de la Troïka sont en mission chez eux. Or, des émissaires européens passent actuellement en revue la politique économique d'Athènes.

En attendant juilllet

Mais même si ces envoyés spéciaux accordent un rapide satisfecit à la Grèce, le pays devra encore patienter avant de pouvoir intégrer le plan de rachat de dettes souveraines par la BCE. Une autre condition stipule, en effet, que la banque centrale européenne ne peut acquérir de la dette d’un pays dont elle détient déjà au moins 33 % des titres en circulation. "Elle détient plus de 20 milliards d’euros de dette grecque, ce qui est un peu supérieur au seuil qu’elle s’est fixée", note Christophe Blot.

Athènes est censée rembourser une partie de ses dettes en juillet. Si le pays tient cet engagement, la BCE devra alors commencer à se procurer des titres grecs. À condition, encore, que Syriza - ou tout autre parti qui remporterait les législatives - ne change pas unilatéralement la donne économique du pays.

C’est le dernier garde-fou que la BCE s’est fixée pour éviter les mauvaises surprises. Elle "peut racheter des titres de ces pays seulement s’ils s’en tiennent au programme de réformes négocié avec la Troïka”, souligne Christophe Blot. Alexis Tsipras pourrait ainsi difficilement refuser, au lendemain d’une éventuelle victoire électorale, de rembourser une partie de la dette ou mettre un terme à la politique d’austérité.

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Ces pays, sauvés financièrement de la faillite, ne sont cependant pas otages de la Troïka à cause des conditions édictées par la BCE pour son "assouplissement quantitatif". Ils peuvent changer de cap économique s’ils réussissent à convaincre Bruxelles. En clair, le plan annoncé par Mario Draghi est, pour le futur parti au pouvoir en Grèce, une invitation à s’asseoir à la table des négociations avant de prendre toute décision hâtive.

La Grèce n’a probablement pas été l’unique sujet d’inquiétude de Mario Draghi lorsqu’il a rédigé son nouveau programme d’aide à l’économie européenne. Il faut pourtant reconnaître que les phrases en petits caractères - celles qui concernent toutes les conditions à remplir pour bénéficier de ce plan - semblent parfaitement adaptés à la situation politique hellénique.