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La BCE va injecter des centaines de milliards pour relancer l'économie

La BCE lance son plan de rachat massif de dettes souveraines pour tenter de relancer la croissance. Elle va dépenser jusqu’à 60 milliards d’euros par mois jusqu'en septembre 2016. Une débauche d’argent qui risque de ne pas suffire.

La Banque centrale européenne (BCE) a appuyé sur le champignon monétaire pour sortir la zone euro de son inquiétante situation économique. Elle a annoncé, jeudi 22 janvier, un vaste plan de rachat de titres des États membres. Elle compte dépenser jusqu’à 60 milliards d’euros par mois jusqu’à fin septembre 2016.

Ce programme inédit pour l’Europe s’inspire de la politique monétaire menée par la Fed américaine après la crise de 2008, baptisée assouplissement quantitatif (ou "quantitative easing"), et par la banque centrale japonaise. La BCE rachète déjà des titres sur les marchés financiers depuis plusieurs années, mais pas de la dette publique d’État souverain. "Elle ne va pas aller voir les différents gouvernements pour souscrire directement à des obligations d’État, ce qui serait contraire aux traités européens, mais elle va racheter à des banques et fonds d’investissements les titres de dettes publiques qu’ils possèdent", précise Pascal de Lima, économiste en chef du cabinet de conseil EconomicCell.

Inciter les banques à prêter

La Banque centrale européenne va donc faire tourner sa planche à billets pour racheter aux banques leurs titres de créances sur les dettes des pays de la zone euro. Si le plan de Mario Draghi, le patron de la BCE, se déroule sans accroc, cette opération pourrait avoir le même effet bénéfique sur l’économie que le "quantitative easing" à l’américaine. Aux États-Unis, les milliers de milliards de dollars injectés dans le circuit bancaire ont contribué à remettre le pays sur les rails de la croissance.

L’objectif de cet assouplissement quantitatif est d’inciter les banques, inondées de liquidités, à prêter aux ménages et aux entrepreneurs. Cet encouragement aux crédits doit lui-même permettre à la machine économique de repartir grâce au soutien à la création d’entreprise et à la consommation des ménages. En outre, ce coup de pouce permettrait d’endiguer la baisse de l’inflation et le risque de se retrouver dans une spirale déflationniste.

Blanc-seing aux banques

Ce scénario rêvé laisse plusieurs analystes dubitatifs. Selon eux, le plan de la BCE risque davantage de connaître un sort à la japonaise qu’à l’américaine. "Au Japon, le 'quantitative easing' [utilisé au début des années 2000 et à partir de 2011] n’a pas fonctionné comme prévu car les banques et les ménages, qui étaient pessimistes quant à l’avenir économique de leur pays, n’ont pas voulu jouer le jeu du crédit", rappelle Pascal de Lima.

Pour cet expert, la situation économique européenne a plus de similitudes avec celle de l’archipel que celle des États-Unis. "Il n’y a pas de problème de liquidité actuellement pour les banques, donc il n’y a pas de raison pour qu'avec davantage d’argent, elles se décident à prêter plus", analyse-t-il. En outre, les entreprises et les ménages "ne sont pas dans une logique d’emprunt, mais plutôt de désendettement car ils n’ont pas non plus confiance en l’avenir économique", précise Pascal de Lima.

Le risque serait que l’argent prêté par la BCE soit utilisé par les banques pour investir dans d’autres régions du monde. Le plan de Mario Draghi se transformerait alors en vaste chèque aux banques européennes pour qu’elles améliorent leurs bénéfices en ne ratant pas les occasions d’investissement à l’étranger.

Mais les critiques de l’assouplissement quantitatif à l’européenne ne se bornent pas à pointer du doigt son éventuel échec programmé. La puissante Bundesbank - la banque centrale allemande - est très réticente à son égard. Elle redoute que ce plan revienne à faire peser sur les épaules des contribuables des pays d’Europe du Nord les risques financiers venus d’Europe du Sud.

"L’Allemagne soutient que ce plan revient à permettre aux pays d’Europe du Sud de laisser filer leur déficit", explique Pascal de Lima. Pourquoi ? Car les banques, certaines que la BCE leur rachètera les dettes souveraines mêmes risquées, n’augmenteront pas les taux d’intérêt pour prêter aux pays économiquement fragiles. Ces derniers pourront donc continuer à emprunter et à creuser leur endettement sans être sanctionnés par les marchés.

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