La police congolaise a violemment dispersé, lundi à Kinshasa, des manifestants opposés à la révision de la loi électorale, qui permettrait à Joseph Kabila de rester au pouvoir. Des policiers ont notamment tiré sur des étudiants.
La situation était très tendue à Kinshasa, lundi 19 janvier, après de violents affrontements entre la police congolaise et des manifestants opposés à une révision de la loi électorale dans un sens favorable au président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila. Des policiers ont même fait usage de leurs armes à feu contre un rassemblement d’étudiants près de l’université. Trois personnes, dont un policier, ont été tués dans les heurts selon un haut responsable gouvernemental, cité par l'AFP.
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Des pillages et des échauffourées entre groupes de centaines de jeunes et la police, à coups de pierre et de gaz lacrymogène, ont été signalés dans divers quartiers populaires de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), dont plusieurs axes étaient coupés par des barrages de pneus enflammés.
À l'hôpital général de Kinshasa, une journaliste de l'AFP a pu voir un troisième blessé de 22 ans, également touché par balle. Selon des opposants, il a été blessé tandis que la police cherchait à disperser un groupe de manifestants près du Parlement, dans le centre-nord de la ville.
Par ailleurs, une manifestation a rassemblé plus de 1 000 personnes à Goma, ville principale de l'est de la RDC, à la frontière avec le Rwanda. "La confusion règne à Goma, où les forces de l'ordre ont dispersé violemment le moindre attroupement à l'aide de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes, explique Mehdi Meddeb, correspondant de France 24 en RDC. Des tirs ont même été entendus mais pour le moment aucun bilan officiel n'a été communiqué."
Un collectif formé autour de membres des trois principaux partis de l'opposition avait appelé les habitants de Kinshasa "à occuper massivement" le Parlement lundi pour faire obstacle au projet de révision de la loi électorale, adopté samedi par les députés et devant maintenant être examiné par le Sénat.
Une révision pour maintenir Kabila au pouvoir ?
En liant la tenue des prochaines élections législatives et présidentielle aux résultats du recensement général devant commencer cette année, ce projet est susceptible d'entraîner un report des scrutins censés avoir lieu fin 2016 et le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, à la tête de la RDC depuis 2001, au-delà du terme de son mandat.
En prévision d'une journée s'annonçant difficile, le pouvoir avait fait boucler les abords du Parlement lundi matin, déployant des centaines de policiers et de soldats de la Garde républicaine armés, empêchant tout passage dans un large périmètre autour du Palais du peuple, incluant les sièges de plusieurs partis politiques d'opposition.
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Les violences ont eu lieu alors que M. Kabila recevait son homologue angolais, José Edouardo dos Santos, pour signer des accords de coopération économique et discuter de la situation sécuritaire dans l'est du pays, où sévissent encore une cinquantaine de groupes armés.
Près du campus de l'Université de Kinshasa, après des échauffourées, un responsable de la police a averti qu'il ferait tirer ses hommes directement sur les étudiants si ceux-ci ne rentraient pas chez eux, selon la journaliste de l'AFP, qui a vu une voiture particulière incendiée alors que des témoins rapportaient des scènes de pillages dans les environs.
La capitale congolaise en ébullition
Près de la place Victoire, emblématique de la "Cité", quartier très récent, les policiers ont dispersé à coups de grenade lacrymogène un groupe d'environ 200 jeunes qui scandaient des slogans appelant le président Kabila à "partir à la fin de son mandat".
Dans plusieurs quartiers, notamment à Bandalungwa, des jeunes ont enflammé des pneus et monté des barrages à certains carrefours, selon des témoins.
Une journaliste de l'AFP a pu voir des affrontements entre plusieurs groupes de jeunes lançant des pierres contre des policiers, qui tiraient des grenades lacrymogènes.
"C'est organisé, il y a manifestement des responsables qui les encadrent", a déclaré à l'AFP un diplomate à propos de l'éclosion de plusieurs foyers de contestation dans les quartiers populaires.
Sur les grands axes menant au quartier Gombe, où se trouvent administrations et ministères, on pouvait voir des policiers et soldats à chaque carrefour, alors qu'un hélicoptère militaire patrouillait dans le ciel.
Avec AFP