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Violentes manifestations dans le monde musulman contre "Charlie Hebdo"

Après la publication, mercredi, d'un nouveau dessin représentant le prophète Mahomet en une de "Charlie Hebdo", de nombreuses manifestations ont eu lieu, vendredi et samedi, dans le monde musulman, certaines faisant plusieurs morts.

Alors que plusieurs milliers de personnes dans le monde musulman ont manifesté vendredi contre la publication par "Charlie Hebdo" d'un dessin représentant le prophète Mahomet, le Niger a été de nouveau le théâtre, samedi 17 janvier, d'une protestation.

Trois églises ont été incendiées à Niamey, où la colère s'est étendue à plusieurs quartiers de la capitale, dont celui de la cathédrale, a constaté l'AFP.

Une centaine de policiers anti-émeute, munis de casques et de boucliers, protégeaient à 12h45 locales (11h45 GMT) la cathédrale de Niamey, essuyant des jets de pierres de manifestants, a rapporté un journaliste de l'AFP, qui a d'abord vu deux, puis une troisième église incendiée. Des jeunes munis de gourdins, de barres de fer ou de pioches ont été par ailleurs vus dans plusieurs quartiers de la capitale, selon ce correspondant.

Dans la matinée, la police nigérienne avait tiré des cartouches de gaz lacrymogènes sur des centaines de manifestants devant la principale mosquée de Niamey. Deux voitures de police avaient été incendiées lors de ces heurts qui ont éclaté lorsque les autorités ont interdit une marche organisée à l'appel de dignitaires musulmans locaux, mais aucune victime n'avait alors été signalée.

Quatre morts et 45 blessés

La veille, des milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs pays musulmans, après la prière du vendredi, contre "Charlie Hebdo", des protestations souvent émaillées de violences.

Quatre personnes sont ainsi mortes et 45 ont été blessées à Zinder, la deuxième ville du Niger. Le Centre culturel français y a été incendié et trois églises saccagées. Certains manifestant "arboraient l'étendard de Boko Haram", a témoigné le ministre nigérien de l'Intérieur, Hassoumi Massaoudou. Une information que n'ont pas confirmée deux journalistes présents à Zinder.

À Karachi, au sud du Pakistan, des protestataires se sont confrontés à la police lorsqu'ils ont tenté de s'approcher du consulat de France et un photographe de l'Agence France-Presse (AFP) a été grièvement blessé.

Dans les capitales sénégalaise et mauritanienne, un drapeau français a été brûlé. S'adressant à la foule de plusieurs milliers de personnes, le chef de l'État mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a condamné à la fois le "terrorisme" et les "viles caricatures", alors qu'à Dakar, un millier de personnes ont scandé des slogans à la gloire du prophète Mahomet et contre "Charlie Hebdo".

Les États-Unis ont condamné les violences qui ont émaillé ces manifestations, réaffirmant le droit "universel" de la presse à publier librement tous types d'informations, y compris des caricatures.

"Nous sommes tous des Mahomet"

Au Mali, plusieurs milliers de personnes ont dénoncé un "affront à l'islam", alors que le président Ibrahim Boubacar Keïta a manifesté, dimanche, à Paris aux côtés de François Hollande lors de la marche républicaine sous le slogan "Je suis Charlie".

À son tour, la foule a scandé : "IBK est Charlie, je ne suis pas Charlie", "L'islam victime du terrorisme international", "Le prophète ne doit pas être caricaturé".

"La France nous a aidés, c'est vrai. Mais elle n'a pas le droit de mépriser ma religion", a déclaré Almahoud Touré, 36 ans, faisant allusion à l'engagement militaire de la France au Mali depuis janvier 2013 pour chasser des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique.

À Alger, entre 2 000 à 3 000 manifestants se sont rassemblés, selon un journaliste de l'AFP. Détournant le slogan "Je suis Charlie", certains scandaient "Nous sommes tous des Mahomet" ou encore "Je suis Kouachi", du nom des jihadistes ayant attaqué le journal satirique français. Des affrontements ont éclaté quand des manifestants ont tenté de forcer un cordon de policiers armés de matraques qui protégeaient le siège de l'Assemblée nationale. Plusieurs interpellations ont eu lieu.

Les frères Kouachi, abattus par la police française deux jours après avoir tué douze personnes au siège de "Charlie Hebdo", ont également été honorés à Istanbul. Une centaine de personnes se sont réunies devant la mosquée du district de Fatih, devant une banderole arborant leur portrait et celui du chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden.

À Amman, 2 500 manifestants ont défilé brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait notamment lire "l'atteinte au grand Prophète relève du terrorisme mondial". Le roi Abdallah II de Jordanie, qui avait participé dimanche à la marche de Paris, a qualifié jeudi "Charlie Hebdo" d'"irresponsable et d'inconscient" après la sortie du dernier numéro, qui représente une nouvelle fois le prophète à sa une.

Ils "méritaient d'être tués"

Le site sensible de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem a également été le lieu d'une manifestation de quelques centaines de Palestiniens.

À Tunis, des fidèles ont quitté la mosquée el-Fath pour signifier leur désaccord avec un imam, ancien ministre des Affaires religieuses. "Nous sommes contre toute atteinte à notre Prophète mais cela n'est pas une excuse pour tuer les gens," prêchait-il, à quoi ils ont rétorqué que les journalistes de "Charlie Hebdo" "méritaient d'être tués".

L'Union mondiale des oulémas, dont le siège est au Qatar et qui est dirigée par le prédicateur Youssef al-Qaradaoui, considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans, a appelé à des "manifestations pacifiques" et critiqué le "silence honteux" de la communauté internationale sur cette "insulte aux religions".

Les autorités de ce pays, qui avaient fermement dénoncé l'attentat contre "Charlie Hebdo", ont "condamné la nouvelle publication de dessins offensants", soulignant que cela alimentait "la haine et la colère".

En Iran, selon l'agence de presse Fars, un rassemblement aura lieu lundi devant l'ambassade de France à Téhéran, sous réserve d'obtenir l'aval des autorités.

Et en Syrie, des milliers de personnes sont descendues dans la rue dans les zones contrôlées par les rebelles et les jihadistes en demandant à ce que s'arrête "l'offense au sentiment religieux", selon une ONG syrienne.

Avec AFP