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Les attentats à Paris, une aubaine pour le mouvement anti-islam Pegida

Pegida, le mouvement allemand hostile aux musulmans, cherche à récupérer l’émotion suscitée par l’attentat contre "Charlie Hebdo" pour grossir ses rangs. Une manœuvre dénoncée par la classe politique allemande et des caricaturistes français.

Ils sont déterminés à manifester et à récupérer, autant que possible, les attentats du 7 janvier contre "Charlie Hebdo" pour justifier leur croisade allemande. Le mouvement anti-islam Pegida compte bien, lundi 12 janvier, descendre dans les rues de Dresde et battre des records d’affluence. Qu'importe si plusieurs hommes politiques, dont le ministre de la Justice Heiko Maas, les a appelé à s'abstenir.

"Nous allons apporter ce lundi une réponse à tous nos détracteurs [...] et appelons tout le monde à porter un bandeau noir en mémoire des victimes" de l’attaque contre "Charlie Hebdo", assurent les organisateurs de ce mouvement controversé sur leur page Facebook. Ils ont d’ailleurs changé leur logo sur le réseau social pour l’occasion : ils représentent, dorénavant, un bandeau noir sur lequel est inscrit "avec notre plus grande sympathie pour les familles des victimes parisiennes du terrorisme".

Les anti-Pegida rassemblent 35 000 personnes à Dresde

Pegida organise des "promenades" chaque lundi soir à Dresde depuis octobre dernier, pour dénoncer une prétendue islamisation de la société allemande. Le mouvement n'a eu de cesse de grandir, passant d'environ 500 personnes à 18 000 manifestants lundi 6 janvier.

Pour ces "patriotes" autoproclamés, l'attentat contre l'hebdomadaire satirique français et la prise d'otages sanglante à Paris justifient un peu plus leur cause et pourraient leur attirer encore davantage de sympathisants. Ils espèrent, cette fois-ci, être au moins aussi nombreux que les anti-Pegida, qui ont réussi à mobiliser 35 000 personnes à Dresde, dimanche 11 janvier. "Les islamistes que nous dénonçons depuis maintenant douze semaines lors de nos marches viennent de démontrer en France qu'ils ne sont pas compatibles avec la démocratie", assurent les partisans de Pegida.

Le parti populiste AfD (Alternative für Deutschland - Alternative pour l’Allemagne), seule formation importante à ne pas avoir condamné Pegida, a également été tenté par la récupération des attentats contre "Charlie Hebdo". "Les vieux partis doivent se demander s’ils doivent continuer à diaboliser Pegida après ce qu’il s’est passé à Paris", avait clamé Alexander Gauland, vice-président de l’AfD.

Au lendemain des manifestations historiques en France, les partis politiques allemands traditionnels ne voient pas d'un très bon œil qu'un mouvement taxé d’islamophobie primaire s'empare de la solidarité avec Paris. "Les victimes des attentats n’ont pas mérité que leur mémoire soit ainsi souillée par des personnes haineuses", a affirmé Heiko Maas, le ministre social-démocrate de la Justice.

"Violation de sépulture" des victimes des attentats

Même la très conservatrice CSU trouve que Pegida va, ce coup-ci, trop loin. Le chef de cette formation bavaroise, Horst Seehofer, en a appelé au "sens des responsabilités" des organisateurs de ces marches anti-islam. Ces manifestations "devraient être suspendues jusqu’à nouvel ordre", a-t-il jugé à la télévision allemande ,dénonçant une récupération politicienne des attentats par Pegida.

La chancelière Angela Merkel s’est, elle aussi, invitée dans ce débat. Elle a annoncé qu’elle participerait mardi à Berlin, à une manifestation organisée par des associations musulmanes pour condamner l'attentat perpétré à Paris. Un véritable pied-de-nez au mouvement Pegida et à ses thèses ouvertement hostiles aux musulmans allemands.

Mais la polémique n’est pas cantonnée aux frontières allemandes. Des caricaturistes francophones se sont, aussi, émus de la tentative de récupération par le mouvement anti-islam de ces attentats. Ils ont lancé, dimanche 11 janvier, un collectif de "caricaturistes unis contre Pegida". Une vingtaine de dessinateurs de presse, dont Willem ("Charlie Hebdo"), Aurel ("Le Monde") ou encore le franco-burkinabé Damien Glez, se sont associés à cette initiative.

À leurs yeux, "comme Paris, Dresde est une ville symbole" de la lutte contre le racisme. Sur leur page Facebook, ce collectif dénonce le "cynisme de Pegida" et affirme que "la récupération du massacre de nos amis par des forces représentant tout ce qui est contraire à leurs valeurs s’assimile à une violation de sépulture".