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Dessins floutés ou photos recadrées : plusieurs médias anglo-saxons, comme le "New York Times" et CNN ont décidé, depuis l’attaque contre "Charlie Hebdo", de ne pas montrer les caricatures provocantes de l’hebdomadaire. Un choix contesté.

Oui à l’hommage à “Charlie Hebdo” et à la liberté d’expression bafouée, mais pas sans quelques précautions éditoriales. C’est la ligne adoptée, depuis les attaques du mercredi 7 janvier, par plusieurs médias anglo-saxons. Des titres aussi prestigieux que le “New York Times”, le “Wall Street Journal”, ou des chaînes d’information établies comme CNN ou NBC ont ainsi décidé de flouter les dessins de l’hebdomadaire satirique ou de ne même pas les montrer. Des choix qui n’ont pas manqué de faire grincer des dents.

Le recadrage d'une photo par le "Telegraph" britannique

#CharlieHebdo cartoonist was on al Qaeda's wanted list: http://t.co/nEojRxbetR (Pic: EPA) pic.twitter.com/m8oO7gnXJf

— The Telegraph (@Telegraph) 7 Janvier 2015

Dans les faits, cette censure a pu prendre plusieurs formes. Le “New York Daily News” et le “Telegraph” britannique ont opté pour publier les photos en entier mais en floutant les dessins de “Charlie Hebdo” qui pourraient être jugés offensants par des musulmans. L’agence de presse américaine AP a préféré, aussi souvent que possible, recadrer les photos afin que d’éventuelles caricatures traitant de l’islam ne soient pas visibles. Lorsqu’une telle retouche est impossible, la photo est tout simplement retirée du catalogue. C’est également l'approche de CNN. Sur son site, la chaîne américaine d’information en continu a recadré les photos utilisées, alors qu’à l’écran, elle ne les diffuse pas.

Ce n’est pas la première fois que ces médias agissent ainsi : lors de la polémique autour des caricatures de Mahomet, publiées en 2006 par le quotidien danois "Jyllands-Posten", ces publications et chaînes d’information s’étaient déjà autocensurées. “Cela fait des années que nous suivons la règle de ne pas diffuser d’images qui sont ouvertement provocatrices”, a reconnu Paul Colford, le porte-parole d’AP, au site américain Buzzfeed.

“Indignation hypocrite”

D’autres sont encore en train de chercher un moyen de ménager tout le monde. C’est le cas de CNN qui n’a, certes, pas montré les dessins polémiques mais “encourage [les journalistes] à les décrire en détail à l’antenne”, d’après un email interne dont le site Politico a eu connaissance. La direction de la chaîne d’information en continu précise même qu’il est acceptable de montrer des manifestants qui brandissent des caricatures de “Charlie Hebdo” lorsque le cadrage est large. Le "New York Times" a également "longtemps réflechi" à la question avant de décider que "décrire les caricatures suffit pour donner les informations suffisantes pour comprendre la situation".

Cette mise au point vient en réponse au journaliste média du "Washington Post", Eric Wemple. L'autre grand quotidien de la côte Est a, en effet, choisi de publier les dessins. "C'est important de montrer des dessins de "Charlie Hebdo" pour comprendre l'acte terroriste [du 7 décembre]", estime le journaliste dans un billet de blog.

Plusieurs autres médias anlgo-saxons sont, d'ailleurs, sur la même ligne que le "Washington Post". Le quotidien britannique “The Guardian” fait même un récapitulatif des caricatures les plus polémiques. Dans la même veine, les sites américains “The Daily Beast” et le “Huffington Post” n’ont pas hésité à faire des diaporamas des dessins mettant en scène le prophète Mahomet.

Les plus virulents détracteurs des publications qui se sont autocensurées se trouvent sur l'Internet. Ce serait “reconnaître que les terroristes ont gagné”, affirme ainsi l’écrivain israélien Yair Rosenberg. Ils rappellent que l’un des buts supposés des assaillants était justement de faire taire, de la manière la plus radicale possible, la plume des caricaturistes de “Charlie Hebdo”. Censurer les dessins de “Charlie Hebdo” serait donc faire preuve d’une “indignation hypocrite”, d’après cet autre internaute.