Attentat suicide à la voiture piégée près du siège provisoire du Parlement, hélicoptère abattu, important terminal pétrolier en feu : la Libye a de nouveau été en proie aux violences mardi et risque de basculer dans une guerre totale.
Un kamikaze a fait exploser une voiture piégée, mardi 30 décembre, devant l'hôtel qui héberge le Parlement libyen reconnu par la communauté internationale à Tobrouk, dans l'est du pays, blessant trois députés et huit autres personnes, a annoncé Farradj Hachem, le porte-parole de l'Assemblée.
L'engin a explosé dans le parking de l'hôtel alors que les députés étaient en session dans une salle située non loin, a déclaré Farradj Hachem.
De son côté, le député Tareq Jarushi, qui a parlé au téléphone avec l'AFP depuis Tobrouk, a indiqué, en citant des témoins et faisant état d'enregistrements vidéo, qu'"une voiture peinte aux couleurs de l'armée" avait percuté le portail arrière de l'hôtel avant d'exploser.
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Selon ce député, "des morceaux de corps" retrouvés sur le site "indiquent qu'il s'agit d'une attaque suicide". Trois députés se trouvant à l'extérieur du bâtiment au moment de la déflagration ont été légèrement blessés par des bouts de verre, a-t-il dit.
Une source médicale à l'hôpital de Tobrouk a dit avoir reçu 19 personnes souffrant de légères blessures.
Depuis la chute en octobre 2011 du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte de huit mois, la Libye est livrée aux milices rivales formées d'ex-rebelles sans que les autorités de transition ne parviennent à rétablir l'ordre.
Affrontements pour le contrôle du terminal Al-Sedra
La situation est très confuse dans ce pays riche en pétrole, dirigé désormais par deux gouvernements et Parlements rivaux, les uns proches de la puissante coalition des milices "Fajr Libya" et les autres reconnus par la communauté internationale.
C'est en août que "Fajr Libya", formée notamment de milices islamistes, a pris le contrôle de la capitale Tripoli et tente depuis d'étendre son influence. La perte de la capitale avait poussé le gouvernement et le Parlement reconnus par la communauté internationale à s'installer à Tobrouk.
La mission de l'ONU en Libye (Unsmil), qui cherche à réunir les protagonistes le 5 janvier, a vivement condamné l'attaque contre les élus, affirmant dans un communiqué que "la violence ne règle pas les problèmes" du pays et plaidant pour une solution politique à la crise.
L'Union européenne a pour part estimé que les violences que connaît le pays "ne font qu'augmenter les souffrances du peuple libyen".
Après avoir fait main basse sur la capitale, "Fajr Libya" y a installé un gouvernement parallèle alors que le Congrès général national, l'ex-Parlement dominé par les islamistes, a repris du service sous l'impulsion de cette coalition.
Dans ses velléités d'expansion, le groupe avait lancé le 13 décembre un assaut pour prendre le contrôle du terminal d'Al-Sedra défendu farouchement par les forces gouvernementales. Des affrontements sporadiques avaient lieu encore mardi près de la région.
Un hélicoptère des miliciens de "Fajr Libya" abattu
Selon Ali Al-Hassi, porte-parole des gardes protégeant les sites pétroliers de la région du "Croissant pétrolier", "l'armée de l'air a pourchassé et abattu (mardi) un hélicoptère de 'Fajr Libya' après qu'il a mené un raid le matin près du port d'Al-Sedra".
La région du "Croissant pétrolier" comprend les terminaux d'Al-Sedra, de Ras Lanouf et de Brega, les plus importants de Libye, un grand pays producteur en Afrique du Nord.
Le 25 décembre, une roquette tirée par les miliciens sur l'un des 19 réservoirs d'Al-Sedra avait provoqué un énorme incendie qui s'était rapidement propagé aux autres réservoirs.
Sept des 19 réservoirs ont été totalement détruits depuis et le "déversement du pétrole en feu menace les 12 autres réservoirs", a précisé un responsable à la compagnie libyenne Al-Waha en charge de l'administration du terminal.
Les pompiers s'employaient mardi à éteindre le feu faisant rage sur le site et à installer des barrières autour des réservoirs restés intacts, a-t-il précisé.
Les 19 réservoirs au port d'Al-Sedra, fermé après le début de l'assaut, contenaient 6,2 millions de barils de pétrole brut.
Selon la compagnie nationale libyenne de pétrole, la production de pétrole est tombée autour de 300 000 barils par jour (contre 800 000 auparavant), mais selon des experts à l'étranger, les combats ne devraient pas se traduire par une nouvelle chute de la production mondiale à court terme.
Outre les combats à Al-Sedra, des affrontements meurtriers opposent forces pro-gouvernementales et milices islamistes à Benghazi et Derna (est). L'ONU avait averti dimanche que l'absence de mesures en vue d'une désescalade aboutirait à "une guerre totale" en Libye.
Avec AFP et Reuters