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Tripoli a accepté pour la première fois de reprendre 226 clandestins recueillis mercredi par la marine italienne. Les défenseurs des droits de l'homme se disent inquiets de voir l'Italie ainsi abandonner ses devoirs humanitaires élémentaires.

AFP - La lutte de l'Italie contre l'immigration clandestine vers l'Europe a enregistré un tournant jeudi avec, pour la première fois, l'acceptation par Tripoli de reprendre des clandestins recueillis par la marine italienne, suscitant l'indignation des défenseurs des droits de l'homme.

Au total 226 clandestins à bord de trois embarcations qui avaient lancé un SOS mercredi par téléphone ont été secourus par des vedettes italiennes, mais ont été débarqués jeudi non à Lampedusa ou en Sicile où ils voulaient se rendre, mais en Libye d'où ils étaient partis pour gagner l'Europe.

Jamais auparavant Tripoli n'avait accepté le retour de migrants partis de ses côtes. Tripoli avait toujours argué de l'étendue de ses côtes et de la faiblesse de ses moyens pour estimer que le pays ne pouvait seul régler le problème des flux migratoires à travers la Méditerranée.

Le changement d'attitude libyen a été rendu possible par "l'accord d'amitié" signé en août 2008 entre l'Italie et la Libye qui prévoit que les autorités de Tripoli renforcent la lutte contre l'immigration clandestine, notamment à travers des patrouilles mixtes en mer.

Le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni, du parti anti-immigration de la Ligue du Nord, a salué jeudi "une journée historique dans la lutte contre l'immigration clandestine", dans une interview à la télévision italienne.

Les organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme, notamment le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) ont fait part en revanche de leur "inquiétude" ou de leur "indignation" devant ce qu'elles considèrent comme un abandon par l'Italie de ses devoirs humanitaires élémentaires.

La Libye n'est pas signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés, et ne garantit ni le droit d'asile ni l'accueil des réfugiés, a souligné le HCR.

MSF-Italie a parlé d'une "journée noire" pour les droits de l'homme" tandis que Save the Children s'est indigné dans un communiqué du fait que des femmes et des enfants "pourraient se voir priver d'une assistance adéquate".

Les autorités italiennes ont fait état de la présence de 40 femmes mais pas de celle d'enfants parmi le groupe.

Selon l'association italienne Cir d'aide aux réfugiés, trois des femmes sont enceintes, dont l'une qui a dû être hospitalisée à Tripoli.

Le rapatriement immédiat sans passage par un centre d'accueil en Italie ou à Malte "peut représenter un tournant dans la lutte" contre l'immigration clandestine à partir des côtes libyennes, a affirmé Roberto Maroni.

Le ministre a indiqué que des patrouilles maritimes conjointes italo-libyennes visant à intercepter les embarcations des passeurs dès leur départ d'Afrique allaient "démarrer dans les prochains jours".

L'accord italo-libyen, signé par Silvio Berlusconi et le colonel Mouammar Kadhafi après des décennies de brouille entre Rome et son ancienne colonie, prévoit que les patrouilles doivent débuter le 15 mai.

"Le 15 mai, quand l'accord sera mis en oeuvre (...) le problème sera résolu", a assuré M. Maroni.

La droite italienne, qui a fait de la lutte contre l'immigration son principal cheval de bataille, a applaudi ce premier rapatriement alors que la gauche a régulièrement dénoncé les mesures du gouvernement Berlusconi contre les immigrés.

Alors qu'un nouveau délit d'immigration clandestine doit être prochainement approuvé, l'opposition a accusé mercredi le gouvernement de vouloir rétablir les "lois raciales" en vigueur sous le régime fasciste de Mussolini (1922-1943).

L'Italie a vu arriver sur ses côtes 36.900 migrants en 2008, soit une hausse de 75% par rapport à 2007, selon le ministère de l'Intérieur. L'immense majorité d'entre eux arrivent via la Libye.