Le romancier français Patrick Modiano, lauréat 2014 du Nobel de littérature, a prononcé un long discours dimanche à Stockholm lors de la réception de son prix. Il est notamment revenu sur le rôle de l'écrivain, témoin distant de son temps.
Patrick Modiano, lauréat du prix Nobel de littérature, a prononcé un discours fleuve lors de la remise de son prix dimanche à Stockholm en Suède, face à un auditoire conquis. Dans son allocution, il a refusé de critiquer la culture de son époque tout en regrettant que les réseaux sociaux "entament la part d'intimité et de secret" de ses contemporains.
D'un ton d'abord hésitant, puis assuré, Modiano a exploré l'essence du rôle de l'écrivain ."Un écrivain est marqué d'une manière indélébile par sa date de naissance et par son temps, même s'il n'a pas participé d'une manière directe à l'action politique, même s'il donne l'impression d'être un solitaire, replié dans ce qu'on appelle ‘sa tour d'ivoire’", a dit le romancier dans son discours, lu en français dans la salle de la Bourse de l'Académie suédoise.
"Prisonnier de son temps", il est marqué par sa perception de l'époque dans laquelle il est né et dans laquelle il vit. Il s'est décrit comme "un enfant de la guerre, (...), un enfant qui a dû sa naissance au Paris de l'occupation".
Il affirme également être un écrivain du XXIème siècle qui, comme ses pairs, peut éprouver une certaine nostalgie vis-à-vis des grands romanciers du XIXème siècle car "le temps s'écoulait d'une manière plus lente qu'aujourd'hui et cette lenteur s'accordait au travail du romancier car il pouvait mieux concentrer son énergie et son attention".
Vous pouvez revoir le discours de Patrick Modiano ci-dessous.
L'art de la mémoire
Aujourd'hui, "les réseaux sociaux entament la part d'intimité et de secret qui était encore notre bien jusqu'à une époque récent, le secret qui donnait de la profondeur aux personnes et pouvait être un grand thème romanesque". Pourtant, le romancier a refusé de condamner Internet et la culture de l'immédiat véhiculée par les réseaux sociaux.
"Je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l'a fait chaque génération depuis Homère", a-t-il affirmé, lui qui dit "exprime[r] toujours dans ses œuvres quelque chose d'intemporel".
Tour à tour acupuncteur, somnambule, ou voyant, tout auteur est aussi un artiste : Modiano a ainsi expliqué ressentir une parenté avec aussi bien les peintres, tel Modigliani, que les musiciens, "qui me semblaient pratiquer un art supérieur au roman".
Récompensé pour "l'art de la mémoire avec lequel il a fait surgir les destins les plus insaisissables et découvrir le monde vécu sous l'Occupation" nazie, il estime que la mémoire est inséparable du travail d'écrivain.
"C'est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l'océan", a-t-il conclu.
Patrick Modiano est le quinzième auteur français à être couronné par un prix Nobel de littérature. Il recevra sa récompense mercredi des mains du roi de Suède Carl XVI Gustaf, en même temps que les autres lauréats 2014, à l'exception de ceux de la paix qui le reçoivent à Oslo.
Avec AFP