
Connue pour ses enquêtes sur la corruption du pouvoir azerbaïdjanais, Khadija Ismayilova a été placée en détention pour "incitation au suicide". Amnesty International dénonce une volonté du régime de museler les médias indépendants du pays.
Une cour de justice de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, a ordonné, vendredi 5 décembre, l’incarcération de la journaliste d’investigation Khadija Ismayilova. La reporter de Radio Free Europe-Radio Liberty (RFE-RL), média financé par le Congrès des États-Unis, est accusée d’"incitation au suicide", chef d’inculpation qui pourrait lui valoir entre trois et sept années d’emprisonnement. Elle restera derrière les barreaux jusqu’à la tenue de son procès dans deux mois.
Khadija Ismayilova est célèbre pour avoir consacré de nombreux articles à la corruption au sein du régime de Bakou, ainsi qu’à la violation des droits de l’Homme dans ce petit État caucasien riche en matières premières (pétrole, gaz, mines d’or).
Pour Amnesty International, cette décision de justice témoigne de la détermination du pouvoir azerbaïdjanais à museler les médias indépendants. "C’est la manifestation d’une volonté flagrante de faire taire les médias libres en Azerbaïdjan. Khadija Ismayilova est l’une des dernières voix indépendantes de ce pays", a déploré John Dalhuisen, directeur du bureau Europe et Asie centrale de l’organisation.
"L’arrestation et la détention de Khadija Ismayilova est le dernier épisode d’une campagne qui, depuis deux ans, vise à contraindre au silence les journalistes enquêtant sur la corruption gouvernementale et les atteintes aux droits de l’Homme dans le pays", a pour sa part estimé Nenad Pejic, le chef de la rédaction de RFE-RL.
Campagne d’intimidation
Ce n’est pas la première fois en effet que la journaliste est la cible d’intimidation. En 2012, après avoir consacré une série d’enquêtes sur le rôle de la famille au pouvoir dans l’attribution de juteux marchés publics, Khadija Ismayilova avait reçu une lettre menaçant de diffuser sur Internet une vidéo de ses ébats avec son petit ami.
Jeudi 4 décembre, le gouvernement azerbaïdjanais a publié un long communiqué dans lequel il pointe l’attitude "colonialiste" des États-Unis et accuse les journalistes de Radio Free Europe-Radio Liberty de travailler pour des intérêts étrangers. Vendredi, la porte-parole du secrétariat d’État américain, Marie Harf, s’est refusée de commenter le cas Ismayilova mais s’est toutefois dite "préoccupée par la restriction des activités de la société civile en Azerbaïdjan".
De nombreux journalistes, militants des droits de l’Homme et opposants politiques ont été emprisonnés depuis l’indépendance de l’Azerbaïdjan en 1991. Dans un rapport datant de mai 2012, Amnesty International recensait de nombreux cas d'agression, de chantage et d'emprisonnement contre des journalistes et des défenseurs des droits humains.