logo

La mort d’une jeune femme d’origine turque secoue l’Allemagne

La jeune allemande d’origine turque Tugce Albayrak est décédée suite à des coups qu’elle avait reçus pour avoir aidé deux adolescentes allemandes qui se faisaient agresser. Son destin a suscité un vaste élan de solidarité nationale.

Tugce Albayrak a été déclaré morte le jour où elle aurait dû fêter ses 23 ans. Son décès, vendredi 28 novembre, a soulevé une immense émotion dans tout le pays. Cette Allemande d’origine turque était devenue le symbole du courage civique et de tout ce que l’immigration peut apporter de positif à l’Allemagne. Le président allemand, Joachim Gauck, a écrit une lettre personnelle de condoléances à sa famille. Des marches du souvenir ont été organisées, ce week-end, dans plusieurs villes.

“On peut se demander pourquoi, tous les jours, 100 à 200 personnes, qui ne la connaissaient pas personnellement, venaient lui rendre visite à l’hôpital alors qu’elle était dans le coma”, s’interroge le quotidien conservateur "Frankfurter Allgemeine" dans un éloge posthume de Tugce Albayrak. Selon le quotidien, c’était d’abord une manière de rendre hommage au geste courageux de cette jeune femme, pressentie pour être décorée de la médaille du mérite à titre posthume. Mais pas uniquement. Parmi ces nombreux visiteurs allemands, nombreux, sans doute, doutaient d'être capables de faire ce qu’elle, jeune immigrée, avait osé, avance le journal.

À la rescousse de deux adolescentes allemandes

Deux semaines plus tôt, Tugce Albayrak avait réussi à empêcher que deux adolescentes allemandes soient agressées dans les toilettes d’un McDonald’s de la ville d’Offenbach (ouest de l’Allemagne). L’un des assaillants s’en était, ensuite, pris directement à Tugce Albayrak, la rouant de coups sur le parking du fast-food. L’instant où la jeune turque s’effondre sous les coups et se heurte mortellement la tête en tombant a été capturé par une caméra de surveillance. La vidéo a été largement diffusée sur toutes les chaînes de télévision du pays.

L’altercation aurait pu devenir un fait divers exploité par les milieux xénophobes allemands. Sanel M, le principal suspect qui a participé à l’agression des deux adolescentes et s’en est pris à Tugce Albayrak, est d’origine serbe. Mais les racines turques de la jeune femme ont empêché cette récupération.

Dans un pays qui a attiré plus de 450 000 immigrés l’an dernier, d’après les chiffres de l’OCDE publiés lundi 1er décembre, le débat sur la capacité de l’Allemagne à absorber un tel afflux gagne en vigueur. En 2013, seuls les États-Unis ont accueilli davantage de nouveaux arrivants. Le geste de Tugce Albayrak a permis à bon nombre d’Allemands de souligner à quel point l’immigration peut être une chance pour le pays.

T-shirt à sa mémoire

Chacun a exprimé ce sentiment à sa manière. Le populaire compositeur allemand Davide Martello est venu jouer au piano le morceau favori de Tugce Albayrak, devant l’hôpital d’Offenbach. Le footballeur suisse Haris Seferović, qui évolue dans le club allemand de Francfort, a fait confectionné un T-shirt à la mémoire de la jeune femme. Dans une vidéo sur YouTube, dans plusieurs langues, seize membres du club de football d’Offenbach ont appelé le pays à honorer son courage.

Des démonstrations de solidarité qui n’ont pas échappé aux médias turcs. Le journal “Sabah” a salué la réaction des Allemands qui ont érigé Tugce Albayrak en “héroïne nationale”, tandis que le quotidien “Hürriyet” souligne que “des milliers d’Allemands ont dit merci à une jeune turque”.

Mais que restera-t-il de cet élan national une fois passé le choc de l’émotion ? Pas grand chose, craint Roland Weber, un représentant de la ville de Berlin en charge de l’accompagnement des victimes de crimes. Il rappelle au quotidien britannique “Financial Times” que dans ce genre d’affaires, la bulle médiatique se dégonfle un jour sans pour autant avoir suscité de changements de fond pour les populations concernées.