Le trésorier du Front national a confirmé, dimanche, que le parti frontiste avait contracté en septembre un prêt de 9 millions d’euros auprès d’une banque russe. Un financement qui survient en pleine lune de miel entre ce parti et la Russie.
"Marine Le Pen décroche les millions russes". C’est par ce titre accrocheur que le site d’information Mediapart a révélé, samedi 22 novembre, l’obtention par le FN d’un prêt de 9 millions d’euros auprès de la banque russe First Cezch Russian Bank (FCRB),
Une information confirmée le lendemain par le trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, sur les ondes de France Inter. Le responsable frontiste justifie la décision de se tourner vers une banque russe par l’impossibilité d’obtenir "le moindre centime" auprès des banques françaises suite aux déboires financiers de l’UMP et au rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012.
"J’aurais préféré une banque française (...) ou une banque européenne qui aurait été plus facile d’accès, notamment sur le plan du voyage ou des barrières de la langue" avance Saint-Just, tout en insistant sur "une opération parfaitement normale (…) et d’une régularité parfaite".
Le trésorier précise enfin que cet argent sera destiné au financement des campagnes électorales. "Nous sommes en pleine croissance, nous voyons arriver les prochaines échéances électorales, d’ici les prochaines législatives de 2017, on a besoin de 30 à 40 millions d’euros", explique le trésorier du FN.
Les liaisons dangereuses
L’annonce de ce prêt, dont la première tranche de 2 millions a déjà été débloquée, survient alors que plusieurs enquêtes dans la presse française ont mis en lumière l’étendue des relations entre des hommes proches du président russe Vladimir Poutine et les dirigeants frontistes.
Une enquête du Nouvel Observateur publiée fin octobre 2014 fait état de nombreux contacts entre l’ambassadeur russe en France, Alexandre Orlov, et les dirigeants frontistes. "Depuis plusieurs mois, le Kremlin mise sur le Front national. Il le juge capable de prendre le pouvoir en France et de renverser le cours de l'histoire européenne en faveur de Moscou", écrit l’auteur de l’enquête.
La personnalité de Vladimir Poutine, très décriée dans la presse française, est au contraire appréciée au sein du FN où le maître du Kremlin est perçu comme un "patriote" protégeant les intérêts de son pays tout en s’érigeant en protecteur de la civilisation européenne traditionnelle.
Du point de vue russe, le parti de Marine Le Pen revêt une importance accrue depuis le déclenchement de la crise ukrainienne et la détérioration des relations entre le Kremlin et les Occidentaux.
Crise internationale et calculs domestiques
Le FN, qui a ravi la première place en France aux élections européennes de mai 2014, a relayé la position russe sur l'Ukraine. Pour le parti de Marine Le Pen comme pour Vladimir Poutine, la Russie a des raisons de craindre un coup d’État fasciste à Kiev et se doit de protéger les populations russophones de l’est de l’Ukraine.
Le FN est également monté en première ligne pour défendre la livraison des porte-hélicoptères Mistral au gouvernement russe, critiquant la "suspension" décrétée par le président François Hollande en septembre dernier.
En se tournant vers une banque russe dans ce contexte, le FN prête le flanc aux soupçons d’achat d’influence par une puissance étrangère – une ironie pour un parti politique qui porte le nationalisme et le souverainisme en étendard.
Dans son article publié samedi, Mediapart souligne que la banque qui a accordé le prêt de 9 millions d’euros est "de facto entre les mains d'un ancien cadre bancaire de l'Etat" russe, Roman Yakubovich Popov. Une information qui ne serait pas passée inaperçue en Russie, où les ONG bénéficiant de financements étrangers doivent impérativement s’afficher comme "agents de l’étranger" dans toute communication ou activité publique.